Après de longs mois en jachère, mes bras et un peu de ma cervelle vont être à nouveau à la disposition de mon employeur. Un email flanqué d’un drapeau rouge surgit dans ma messagerie professionnelle désespérément dans l’expectative depuis janvier. Le garde-chiourme m’a convoqué pour une réunion Tupperware. Une nouvelle mission va démarrer à la fin du mois de juin avec des déplacements dans toute la France.

Avec mes collègues, nous trinquons avec fatalisme nos gobelets servis par la machine à café. Nous pensons d’abord au sursis supplémentaire que nous disposons désormais avant la grande lessive.

Miss a sous ses ordres tous les déclassés qui attendent patiemment leur ré-employabilité.

Ce n’est pas une fonction facile pour elle. Elle faisait du consulting en finance avant que le PDG qui l’avait remarquée dans un cocktail ne la nomme à ce poste. Son fort accent libanais peut être un atout pour séduire un supérieur, mais surtout un désavantage pour mettre au pas une ribambelle de dominés sans motivation. Heureusement qu’elle a mis dans sa besace un garde-chiourme fidèle qui ne lui fera jamais d’ombre.

Nous sommes tous assis sagement autour de cette longue table intimidante. Nous pourrions prendre des jetons de présence, comme un administrateur avant l’encaissement de ses dividendes. Nous n’en sommes qu’au stade de la feuille d’heures sans avantages en nature.

Miss prend la parole car c’est elle qui a les cartes en main.
«Je vous ai fait venir pour vous parler du projet qui démarre dans le courant du mois de Juin. Nous devons intervenir dans 32 magasins. Un team leader et trois techniciens par équipe... »

«C’est bien de passer quelques jours à Nice en plein mois de juillet, mais c’est encore mieux d’être chez soi pour suivre le Tour de France »

Je m’ennuie très vite dans les réunions Tupperware. Au bout de quelques minutes, quand j’ai compris que je n’assistai pas à une conférence de Michel Onfray, mais à des directives professionnelles avec l’obligation d’acquiescer, je pars battre la campagne dans mon monde intérieur.

Et en ce moment, je suis plutôt optimiste. J’ai envie de m’étendre sur une chaise longue avec un bon livre entre les mains.

La demi-heure s’écoule sans glissement de terrain. Nous sommes libérés de toutes contraintes jusqu’à la présentation officielle devant le client qui ne veut pas que n’importe qui bricole dans sa propriété. Comme nous sommes tous propres sur nous, nous pouvons commencer par préparer nos bagages et notes techniques.

Miss s’essuie le front comme après une épreuve. Elle en est persuadée, elle fera mieux la prochaine fois.