Les chrétiens fondamentalistes qui croient à l’Apocalypse, qui basent leur eschatologie sur le Livre des Révélations, croient que le second avènement du Christ sera marqué par une série de catastrophes meurtrières, épidémies, guerres, par un désordre planétaire et un dérèglement cosmique. Les croyants vont monter au Paradis par vagues successives, après avoir accepté le Christ comme leur Sauveur et renié Satan et ses nombreux larbins terrestres.

Au final, seuls quelques-uns resteront derrière, sur une terre réduite à un tas de cendres : les left behind (littéralement, les laissés derrière ), parce qu’ils ont refusé le Christ et sa promesse de vie éternelle, ils ne méritent même pas notre pitié.

Telle est la théorie barbare de l’aile droite chrétienne du Parti républicain, la vision apocalyptique de George W.Bush en personne, ainsi que de beaucoup de ses larbins terrestres.

Et puisque, aux Etats-Unis, le pouvoir politique se conquiert dans les zones rurales et suburbaines du Sud et de l’Ouest, là même où la droite chrétienne contrôle le pouvoir, cette approche théologique sous-tend désormais toute la politique et les dispositions du Parti républicain.

Ce dont nous avons été témoins à la Nouvelle-Orléans et sur la côte du golfe du Mexique, après le passage du cyclone Katrina, en est l’expression la plus pure et la plus cinglante.

Russel Banks, écrivain américain

Rosa Thun, Pologne, présidente de la fondation Robert Schuman à Varsovie

Le jour viendra où les Français comprendront que leur chance est d’être à la tête et non pas en dehors, des changements qui auront lieu de toute façon en Europe et dans le monde.
Les Français savent-ils que leurs investissements en Pologne ont au contraire crée beaucoup plus d’emplois en France qu’ils n’en ont supprimé ?
Les Français sont les premiers investisseurs en Pologne, le système téléphonique et les grandes surfaces leur appartiennent.
Le débat français sur la Constitution a porté uniquement sur l’économie. On a trop peu parlé, par exemple, de la politique extérieure commune qu’elle rend possible. Ma génération, qui a vécu derrière le rideau de fer, sait qu’aujourd’hui l’Europe est la seule garantie pour la démocratie, la paix, la liberté.


Gustavo Bueno, Espagne, philosophe et communiste

Voilà la France clairvoyante que je connais et que j’admire : elle pense comme moi que cette Union européenne n’est qu’une union marchande, et que ce traité constitutionnel n’apporte aucune garantie sur un hypothétique changement.
Je me réjouis que ce soit exprimé ce courant profond français qui, pour le moins, défend une autre Europe, face à la démagogie des dirigeants de l’union.



Wiliam Wallace, Angleterre, professeur à l’European Institute de la London School of Economics

Les Français veulent une une Europe à la française, une Constitution qui ressemble à la leur.
Cette faillite de la classe dirigeante française est la principale responsable du Non. Chirac est un dinosaure. Quand on pense qu’il était déjà là dans les années 60 à négocier une politique agricole commune aujourd’hui d’ailleurs totalement dépassée.
Vus de Londres, tous les politiciens français semblent déconnectés de la réalité du pays, incapables de voir plus loin que Paris. Tant que l’élite politique française sera seulement issue de l’ENA, la France aura des problèmes.
La France a deux fois plus de chômage que la Grande-Bretagne : en quoi le modèle social français est-il meilleur que le nôtre ? Par ailleurs, les Français ont tort de parler de « système libéral anglo-saxon ». Cela n’existe pas, c’est une invention française. Les modèles sociaux britanniques et américains sont très différents. Ce que j’admire chez les Français, c’est qu’ils se rebellent contre des choses inéluctables.


Tom Negri, Italie, philosophe, ex-militant d’extrême gauche, proche de l’altermondialiste

Ce vote français est un désastre, un retour en arrière de vingt ans dans l’histoire européenne.
La gauche française a révélé son égoïsme, sin incapacité à comprendre que le développement social ne peut se passer que dans un cadre élargi.
José Bové est réactionnaire, archaïque. Il se fout du progrès et de l’évolution du monde, sa position est d’un romantisme irresponsable. Sarkosy au gouvernement représente une régression complète. Voilà ce que la gauche a gagné avec le Non.
La France n’a jamais fait l’effort culturel de sortir de sa monarchie républicaine.


Rudolf de Lippe, Allemagne, sociologue et philosophe

Vu de Berlin, on avait l’impression d’une énorme ratatouille entre les enjeux de l’Europe et les messages d’opposition à votre gouvernement.
Les Allemands sont « naturellement » pour l’Europe. Nous sommes plus dociles.
J’aimerais que votre Non ouvre un débat, nécessaire, sur l’esprit trop XIX° siècle de cette Constitution. J’aimerais que votre Non nous pousse à approfondir notre conscience politique européenne et incite les Allemands à réfléchir.


Christian Fleck, Autriche, sociologue, professeur à l’université de Graz

On ne peut pas nier qu’une certaine hostilité s’est développée contre la France après les élections de 2000, qui avaient porté le parti d’extrême droite de Haider au pouvoir et à propose de laquelle la France avait ouvertement manifesté sa désapprobation. Ironie de l’histoire est que ce même Haider, qui n’ a pas mâché ses mots depuis plusieurs années contre l’Hexagone, se félicite aujourd’hui du Non français…

Par Jeremy Rifkin (professeur à l’université de Pennsylvanie)

Les Etats-Unis

Le rêve américain:
Peu importe votre naissance, l’éducation que vous avez reçue, si vous travaillez dur, si vous savez saisir votre chance, la réussite est à portée de main.
Le rêve américain ne s’est jamais présenté comme une expérience collective mais plutôt comme un voyage individuel.
Aujourd’hui, il ne reste plus qu’un tiers des Américains pour croire à leur rêve fondateur.

Economie
En termes de revenu moyen par tête, les Etats-Unis dépassent l’Europe de 28%.
50 des 140 plus grosses entreprises sont américaines.
Excellentes universités mais un faible niveau primaire et secondaire.
Les enfants américains n’arrivent qu’au quinzième rang pour leurs performances en lecture.
Les Etats-Unis sont aujourd’hui au 24° rang des pays développés en termes d’inégalités de revenus entre les riches et les pauvres. Seuls le Mexique et la Russie font pire.
Le seul pays développé avec l’Afrique du Sud à ne pas disposer de couverture sociale.
40 millions d’Américains n’ont pas d’assurance santé.
2% de la population masculine est derrière les barreaux.
25% des prisonniers dans le monde sont incarcérés aux Etats-Unis.
Taux de chômage comparable à l’Europe si l’on tient compte de la population carcérale et des millions d’Américains non inscrits sur la liste des demandeurs d’emploi.
15% des emplois industriels perdus en sept ans.

Philosophie :
L’individu doit être fort, autonome et indépendant.
Le droit à la propriété.
La religion du travail.
L’oisiveté est un péché.
La croissance comme seul vecteur d’épanouissement.
Vivre pour travailler.
La nation la plus patriote du monde.
Dieu et la patrie.


L'Europe

Le rêve européen:
L’émergence, dans la paix, d’un gouvernement transnational.
Faire passer les relations communautaires et la solidarité avant l’autonomie individuelle.
Créer une nouvelle histoire dans laquelle il faut impérativement apprendre à coopérer ensemble.

Economie:
Le produit intérieur brut est égal à celui des Etats-Unis.
La plus grande puissance exportatrice du monde.
61 des 140 plus grandes entreprises sont européennes.
En avance dans le secteur des banques, de l’assurance, de l’aéronautique, de la chimie, de l’agroalimentaire.
Productivité comparable aux Etats-Unis.

Philosophie:
Le bien-être économique et la qualité de vie.
La qualité de vie avant l’accumulation de richesses.
Le développement durable.
La diversité culturelle.
Les droits de l’homme, les droits sociaux et ceux de la nature.
L’oisiveté est synonyme d’épanouissement personnel.
On travaille pour vivre.
Mal à l’aise avec le mot patriotisme.
« Je suis parisien, mais je suis français aussi. Et je me sens européen. En fait, je suis un citoyen du monde. ».

Conclusion
L'Europe aspire à être le laboratoire du monde tandis que les Etats-Unis sont en voie de déphasage face aux mutations de l'ère mondialisée.

L’information soumise aux lois libérales de l’économie.
Le champ journalistique.
Le jackpot de l’information.
Le vide en terme d’affrontements idéologiques.
La production d’informations à flux tendu.
Nulle contre-enquête.
L’évolution du mot pédophile/pédophilie dont les apparitions sont multipliées par vingt dans les médias depuis 10 ans.
Une vision parisienne et bourgeoise des classes populaires.
L’attention sur des événements dont l’importance est sans commune mesure avec la place qu’on leur consacre.
Entre le 2 et le 4 décembre TF1, France 2 et France 3 consacrent 49% de leurs éditions aux intempéries.
La fermeture d’une usine d’un grand groupe industriel à Boulogne-sur-Mer avec 700 suppressions d’emplois passées sous silence.
L’illusion d’une presse relayant encore la voix des faibles.
Le grand groupe industriel double sa valeur en Bourse.

de l’article « Les faits divers, ou le tribunal implacable des médias » écrit par Gilles Balbastre dans le Monde diplomatique de décembre 2004