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Mardi (03/01/06)
Des vœux King et Kong
La journée que j’abhorre le plus dans le monde du travail, c’est bien le lendemain du Réveillon lorsqu’il s’agit de rejoindre son bureau avec l’obligation d’envoyer à chaque tête connue ses meilleurs vœux, sans le penser forcément.
Voici donc mon chemin de croix de l’hypocrisie, au sein de ma SSII, où je serre les fesses pour saluer des personnages que je ne porte pas forcément dans mon cœur.
Il existe deux parcours possibles : King et Kong.

Le premier collègue que je croise sur ma route, c’est le garde-chiourme. Celui qui arrive avant tout le monde, et qui inscrit en catimini nos horaires dans un beau tableau Excel, en couleur, de sa conception. Il est le premier à m’apercevoir en poussant un cri comme si j’étais son ami.
« Bonne année et meilleurs vœux Raskolnikov ! »

King:
« Bonne année à toi, mon collègue préféré, celui sur qui je suis sûr de compter en cas de pépin. Tu es déjà en train de taffer ?. Toi, tu veux réussir dans la vie. Cela se voit tout de suite. Tu reviens d’une formation de management ? Avec un chef comme toi, on risque d’aller loin. »
Kong :
«Très mauvaise année, gros incompétent. Espèce de lèche-cul. J’espère que tu seras viré quand le vent aura tourné. Tu as bien noté à quelle heure je suis arrivé aujourd’hui ? Et bien, fais un copier/coller sur toute la longueur de ton tableau car je ne changerais pas d’horaire !»

J’aperçois le bureau de Méphisto légèrement entrebâillé. Elle a dû m’entendre. Si je ne vais pas la saluer tout de suite, elle risque de m’envoyer sur une mission pourrie à l’autre bout de la France. Je prends mon courage à deux mains. Je tapote sur la porte et j’entre dans son bureau.

King:
« Bonne et merveilleuse année 2006 Méphisto ! Je suis vraiment heureux de vous souhaiter mes vœux. Comme vous êtes charmante aujourd’hui. Vous commencez très bien l’année. Laissez-moi vous faire la bise »
Kong :
« Je te souhaite la plus mauvaise année de ta vie. J’ai mis un cierge pendant la messe de minuit en demandant au petit Jésus de t’envoyer en enfer te rafraîchir les idées. Tu verras ce que c’est que d’être dans la merde. Tu apprendras peut-être la compassion. »

Après avoir refermé son bureau avec l’odeur de son rouge à lèvres sur les joues, je croise Victorine qui vient à son tour faire le tour du propriétaire. Elle est déjà persuadée que dans quelques semaines le bureau de Méphisto lui appartiendra.

King:
« Bonne année belle Victorine ! J’espère que tu vas assouvir toutes tes ambitions. C’est quelqu’un comme toi dont nous avons besoin pour mener à bien tous nos projets. Si toutes les femmes étaient comme toi…. »
Kong :
« Tiens, tu es là ma cochonne ? D’habitude, à cette heure-ci, tu es déjà sous le bureau du directeur commercial. Tu lui racontes ton week-end. Et il bande si mou que tu as l’impression d’avoir une escalope dans la bouche »

Justement, le directeur commercial pointe le bout de son nez. Il doit certainement être déjà en manque de sa meilleure collaboratrice. Je ne peux échapper à son regard. Il a l’air de s’être remis de son infarctus.

King:
« Bonne année monsieur le directeur commercial ! Et bonne santé, surtout, car sans une bonne santé, on ne peut pas avancer. Et nous comptons sur vous pour nous rapporter plein de contrats. »
Kong :
« Salut le mort-vivant ! A quoi ressemble l’autre rive ? Tes ressorts tiennent-ils toujours en place ? Attention de ne pas trop te pencher, tu risques de perdre de l’huile ! »

Je pense en avoir fini avec mes tribulations ridicules. Je décide d’aller prendre un café pour me remettre de mes émotions. Avec un peu de chance, je pourrais rencontrer quelqu’un à qui envoyer des vœux vraiment sincères.
Je suis en train de touiller tranquillement dans le gobelet pour dissiper l’arôme lyophilisé quand surgit le Président !
Une petite goutte de sueur dégringole immédiatement de mon front. Mes mains tremblent légèrement.

King:
« Meilleurs vœux, monsieur le Président ! Que cette année apporte à notre entreprise succès et prospérités ! »
Kong :
« T’as encore changé de Jaguar, enfoiré ! Et les augmentations sont rayées du règlement de l’entreprise ? J’espère que l’inspection du travail va te tomber dessus et que tu vas te prendre une amende record. Crois moi, ça marche aussi le capitalisme à visage humain ».

Il disparaît aussi vite qu’il était apparu.
Je bois une gorgée de café. Je me sens si bien. Je viens de déglutir toute ma verve d’employé modèle. Vivement l’année prochaine que je recommence une tournée.

Ecrit par Raskolnikov, a 17:36 dans la rubrique "Vie professionnelle".
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Mardi (20/12/05)
Où est mon PC?
A mes deux plus fidèles lecteurs, «ils se reconnaîtront», je dois quelques explications sur le mutisme de ce blog depuis plusieurs semaines. Je devine que vous êtes en manque de mes aventures, que vous vous faîtes un sang d’encre en imaginant le pire. Mais je vous rassure : Je n’abandonne pas la partie, à l’instar d’Olivia qui vient de conclure la sienne.

Je vais me remettre à l’œuvre aussitôt que mon cerveau aura repris une température normale.

Car, comme je le laisse entendre dans mon dernier article, j’ai toujours la pâte à neurones comme un plat cuisiné après son passage dans le four micro-ondes. Je peux faire cuir un œuf sur mon crâne dégarni tant il est en surchauffe depuis que j’ai commencé ma mission informatique dans l’enceinte d’un grand constructeur japonais, dont le siège social se trouve à Clichy.

Je n’y passe pourtant pas le temps à tenter de définir une nouvelle équation la loi de la relativité. Je ne me creuse pas la tête afin de mettre en route un concept technologique pour mettre en branle l’empire de Bill Gates. Je ne traduis pas huit heures durant un texte en hiéroglyphes afin de le rendre lisible dans la langue de Pascal. Non ! Rien de cela.
Je me contente de répondre à une question sommaire : «Où est mon PC ? »

Après une heure et demi dans les transports en commun, le lecteur Mp3 sur les oreilles, et un peu de lucidité pour ne pas me tromper de train, à l’instant même où je viens de franchir le seuil de l’enceinte de la multinationale et escaladé les quelques marches me menant dans le bureau que l’on m’a prêté, je deviens une antilope traversant une plaine de hautes broussailles. Un prédateur peut jaillir à tout moment dans mes pattes et me dévorer en trois crocs.

Je n’ai même pas eu le temps d’allumer mon ordinateur qu’il surgit déjà, l’homo ordinatus. On le reconnaît. Il pousse un cri irrémédiable : «Où est mon PC ?»,

Son PC, c’est un laptop, c'est-à-dire un portable. Un ordinateur qui donne un certain aura quand on l’utilise sur ses genoux, dans un lieu public.
Ils en possèdent pratiquement tous, ici, car la plupart ont un statut de directeur, même s’ils fréquentent le bas de la pyramide.
Ils portent la cravate sérieuse, et n’ont pas de temps à perdre avec un sous-traitant dans mon genre. Il faut donc que je trouve la parade pour les tenir éloigner de ma tendre peau.
«Je vais me renseigner !» est ma réplique d’autodéfense.

J’abandonne le quidam directeur et je descends illico les escaliers en direction de la salle de migration où des collègues se relaient en travaillant 24h sur 24. Avec un peu de malice, j’eusse pu simplement leur passer un coup de fil, mais je préfère opter pour le contact physique, car cela me permet de m’extraire du champ d’observation de l’homo ordinatus. Je me relaxe en retrouvant les miens.

J’en profite pour prendre un café, tailler une petite bavette sur le match de la veille, faire quelques blagues sur les dernières élucubrations de Méphisto. Et, c’est seulement après cette mise en marche, que je pose la question fatidique : «Où est son PC» ?
« Il n’est pas prêt ! », est la lancinante réponse de mon semblable.
Quelques minutes plus tard, je remonte les marches emportant sur mes épaules la triste nouvelle.

Il remarque tout de suite que j’ai les mains vides. Il se prépare donc psychologiquement au choc de mon annonce.
«Votre PC ne sera prêt qu’en début d’après-midi». Et là, il me jette un regard d’une telle noirceur que mes jambes se dérobent dans mon pantalon. Je tremble d’avance de sa furie. Il quitte la pièce aussi vite qu’il y était entré en criant qu’il irait se plaindre à sa hiérarchie.

Ouf ! Je suis à nouveau seul. La mire Windows apparaît enfin sur la mire de mon écran d’ordinateur. Je vais pouvoir lire mes emails ou surfer cinq minutes sur le net pour savoir si Liverpool a encore gagné son match.
Quand, un nouveau prédateur me fait face…
«Où est mon PC ? »

Je descends une seconde fois les marches. Je prends un deuxième café. Je lis quelques lignes du journal gratuit abandonné par un de mes collègues. Comme je ne trouve pas le résultat de Liverpool, je demande si quelqu’un est au courant du score. Et comme, je suis le seul vrai supporter des Reds, je remonte en direction de mon arène.

«Votre PC ne sera prêt qu’en début d’après-midi ». J’encaisse mon deuxième regard noir. J’essaie de garder une contenance humaine devant tant d’abjections.

Quelques regards noirs plus tard, je peux enfin lire mes emails. Ce sont des messages des Homo ordinatus qui sont venus me voir ce matin. Ils demandent tous en chœur, dans l’intitulé :«Où est mon PC ? ». Je n’aurais pas le temps de surfer sur le net. Je leurs réponds à l’aide d’un copier/coller. Cela apaisera leur haine quelques heures.

Il m’arrive, toutefois, de temps en temps de rendre immédiatement un PC. Quand l’Homo ordinatus est une femme, par exemple. L’autre jour, j’ai remonté à toutes vitesse les escaliers avec le PC d’une blonde à gros seins. J’avais hâte de m’installer près d’elle pour faire le point dans son décolleté, sur son nouvel environnement informatique. Je l’ai priée de s’asseoir à mes côtés, très frénétiquement. J’ai appuyé sur le bouton Marche/Arrêt… Nenni.

J’ai souris à ma convive, à l’instar d’un hidalgo qui contrôle la situation. J’ai débranché et rebranché tous les fils, et remis la sauce… Nenni., itou.
Quelques gouttes de sueur plus tard, j’expliquai à la blonde aux gros seins de ne pas s’impatienter. Je me précipitai en courant avec son matériel sous le bras pour appeler à l’aide auprès d’un collègue plus futé que moi.
Rien à faire. Le PC venait de rendre l’âme. Il fallait lui ouvrir les entrailles afin de détecter quelle partie vitale venait de clamecer.
Je retrouvais ma blonde aux gros seins. Et la queue entre les jambes, je lui fis le récit de cette incroyable panne qui allait la priver d’une grosse partie de la journée de son outil de travail. Elle ne pourrait plus lire les emails de ses amants avant longtemps. J’encaissai son regard noir de menthe religieuse.

Il ne faut pas de louper quand l’Homo ordinatus est un VIP. C’est indiqué sur la fiche qui accompagne son PC. Dès qu’il entre en scène, je ne peux pas me contenter d’une réponse approximative. Il faut que je sois prompt à lui donner satisfaction. Je dois lui passer la brosse à reluire sans une égratignure.
On reconnaît un VIP à sa configuration. Il possède un PC dernier cri avec toutes les options. Il n’utilise généralement que sa messagerie. Il a délégué l’utilité des autres fonctions à ses subalternes qui tricotent avec du matériel ancien les chiffres qu’il réclame.

Il faut lui synchroniser au moins trois PDA et quatre téléphone GPS. Où qu’il soit dans le monde, il est impératif qu’il reçoive les toutes dernières informations de l’entreprise. Même dans le désert saharien, il doit être le premier à être avisé d’une promotion ou d’un licenciement. Cela est déterminant pour le rendement de ses stocks-option.
Généralement, son PC est toujours prêt. Et il signe comme un monarque sa satisfaction de notre service.

Et puis, il y a l’intrépide, le désaxé, le névrosé, celui que la femme torture à la maison. Pour lui, tout est un drame et ne peut se régler que dans l’éclat. Il ne digère aucune de mes formules toutes faites. Il réclame immédiatement satisfaction. Il donne un coup contre la porte. Il s’esclaffe en me racontant l’importance de son travail dans la société. Il m’appelle toutes les cinq minutes pour me relancer. Il envoie sa secrétaire stagiaire en guise de motivation. Il fait tout son possible pour me donner mauvaise conscience.
Alors, las du combat d’arrière-garde, je finis par lui apporter ce qu’il réclame. Il a gagné la partie, au détriment des Homo ordinatus plus sages.

Cette joute professionnelle est mon lot quotidien. Quand je crois tenir une seconde de repos, c’est le téléphone qui sonne. Au bout de la ligne Méphisto qui me réclame des statistiques pour facturer notre client. Plutôt que de me réconforter de l’hardiesse de mes efforts, elle enfonce le clou en me posant tout un tas de questions sur les dysfonctionnements qui lui sont remontés jusqu’à ses petites oreilles. Je m’incline une nouvelle fois comme un laquais devant son supérieur. Comment lui faire comprendre que si nous sommes en sous-effectifs, c’est uniquement pour proposer une prestation peu chère à la clientèle.

A la fin de la journée, quand vient sonner l’heure de la sortie, je retrouve un peu de dignité humaine. Je me sens ressusciter. Je vais pouvoir enfin quitter toute cette mascarade pour faire ce que bon me semble. Plus besoin de courber l’échine ou faire semblant d’aimer son travail. Je vais pouvoir écouter Luis Attaque, où Philippe Auclair nous parlera du match de Liverpool.
Ma femme pourra bien m’engueuler, je mettrais les pieds sous la table en attendant la soupe. Mon cerveau boue encore, mais c’est un cerveau libre.
Ecrit par Raskolnikov, a 15:25 dans la rubrique "Vie professionnelle".
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Dimanche (20/11/05)
Hard job


Jusqu’à présent, je me plaignais de mon inactivité professionnelle, relégué dans un open space devant un ordinateur anonyme pour surfer sur le web en attendant l’heure de la sortie. Après une période d’adaptation difficile, je réussis à extraire quelques points positifs en m’organisant avec les moyens du bord. Ce blog est né de ces grands moments de liberté que la providence professionnelle m’offrit. J’en profitais aussi pour prendre du recul à l’orée de mes 40 ans. Réfléchir sur l’amont et l’aval. Ce qui s’est passé dans la première partie de ma vie, et ce qui se passera sans doute dans la deuxième moitié. Voir à quel point la vie devient ennuyeuse même en compagnie des gens que l’on aime. Heureusement que quelques fois les événements précipitent l’inéluctable. Il n’y a pas de hasard dans une existence de pacotille. Ce qui doit arriver survient même si cela fait mal au cœur. Comme cela je rencontrerai moins de regrets au moment de faire le bilan devant St Pierre, s’il daigne bien me recevoir dans son vestibule.

Depuis bientôt quatre semaines, je travaille comme une bête. Plus une seconde, cette fois-ci, pour des plongées existentielles. Il faut se lever aux aurores, prendre le train bondé à l’heure de pointe, courir entre deux stations pour arriver à l’heure, et se mettre au service de son client avec la plus grande des bouches bées.

Je participe au déploiement informatique d’une grosse entreprise nipponne. Malgré un plan social en vue en son sein, tous les PC traînant dans les recoins doivent migrer dans un environnement à la sauce XP. Cela apparaît, à première vue, d’une simplicité théâtrale. Or, le cahier des charges imposé d’Angleterre alourdit sensiblement l'ouvrage. Il faut toute une nuit de travail pour réaliser l’ensemble des opérations. Nous sommes organisés comme une chaîne de montage en pleine production. Les trois huit dans une salle informatique. Pour utiliser un vocabulaire de circonstance, nous appelons cela un Shift. Le Shift 1 commence à 08h00 jusqu’à 16h00. Le Shift 2 poursuit jusqu’à minuit. Et le Shift 3 passe la nuit au chaud pour passer le relais à l'équipe du jour. Chaque poste reste sur le banc de migration environ 7 heures. Je ne rentrerais pas dans les détails techniques, mais c’est déjà un exploit que de respecter ce délai. Cela signifie que c’est par vague de 20 postes par jour que nous progressons. Nous finirons à Noël avec un peu de chance.

J’ai un rôle un peu bancal. Un espèce de coordinateur. Pour être plus clair, je sélectionne sur mesure les utilisateurs qui rendront leur poste avant de partir chez eux. Je dois les appeler un par un pour faire avec eux l’inventaire de leur outil. En même temps, je dois tenir les comptes en informant en temps réel mon donneur d’ordre, car je ne suis qu’un sous-traitant. Je dois aussi répondre aux sollicitations de Mephisto, mon chef de projet, c'est-à-dire ma responsable hiérarchique qui calcule en un éclair de psychotropes le rapport jour-homme qu’elle facturera derrière. Je me dois aussi d’une grande disponibilité auprès des utilisateurs qui se plaignent parfois de ne pas retrouver exactement leur configuration d'origine. Je dois me transformer en assistante sociale pour les rassurer, ou en commercial pour les obliger à me signer leur fiche de recette quand ils commencent à hésiter. Sans compter quelques interlocuteurs anglophones à qui il faut de temps en temps tenir la conversation pour ne pas passer pour un ours. Utiliser la langue de Shakespeare, pourquoi pas, mais à bon escient. J’ai sympathisé avec un londonien grand supporter de Liverpool. Nous n’arrêtons pas de parler foot. C’est drôle comme c’est facile de manier une langue étrangère quand il s’agit de faire partager sa passion. Il aurait voulu que nous allions voir Lille-Manchester au stade de France. Mais je refusai avec politesse l’invitation, car ce jour-là, j’étais chaussé de pompes neuves qui me martyrisaient les orteils.

Bref, quand sonne l’heure de la fin de journée, sur le pavé qui me conduit dans ma bouche de métro, j’ai le cerveau en capilotade. Je sens la matière grise bouillonner dans ma boîte cranienne. J’ai peine à suivre un débat sur la tactique de l’équipe de France de football en vue de la coupe du monde, en direct de mon lecteur Mp3. Je franchis les escaliers de mon immeuble en me tordant le cou. Aussitôt la porte de mon appartement franchie, je tombe sans résistance dans le canapé. Je m’endors très rapidement. Car je veux être en forme pour le lendemain.
Ecrit par Raskolnikov, a 18:34 dans la rubrique "Vie professionnelle".
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Jeudi (20/10/05)
La solitude du con voyeur au fond
Je suis dans la salle des coffres d'une banque, quelque part à Rambouillet. Je m'occupe des distributeurs de billets. Comme il faut bien gagner sa vie, alors, j'enfile, en respectant l'ordre, un certain nombre de disquettes dans le lecteur de l'automate. Je lis les instructions sur l'écran monochrome à ma disposition sans me poser de question. Pour être sûr de ne pas me tromper j'envoie des œillades vers le cahier à spirales que l'on m'a confié. C'est la procédure, écrite par un spécialiste, que je dois suivre à la virgule près. Si je rate une ligne, c'est la catastrophe. A la fin de mon exécution, plus aucun billet ne peut sortir de l'appareil. Les quidams, avec leur carte bleue de l'autre coté du mur, risquent de crier au scandale au responsable de l'agence, et ce n'est pas bon pour la consommation, donc pour la croissance, donc pour la cote de popularité du premier ministre. C'est une véritable responsabilité qui pèse sur mes frêles épaules. Chaque machine peut contenir jusqu'à 150 000 euros. A dépenser le jour même pour un DVD ou une boîte de Tamiflu.

Je ne peux, bien sûr, rien palper. D'ailleurs, une mitraille de caméras me surveille en permanence. Pour soulever un caisson à billets, j'en appelle les services d'une jolie employée fraîchement sortie de l'école. Le seul intérêt de cette courte mission. L 'envers du décor d'un distributeur de billets, c'est une jouvencelle seule dans une salle protégée par un sas et attendant le prince charmant. Existe t-il un meilleur décor pour lier connaissance ? Pendant qu'elle compte et recompte les chèques qu'elle vient de ramasser du robot d'à côté, je m'essaie à une petite drague d'occasion. Idée de reprendre du service. Pour voir si je n'ai pas perdu la main. On ne sait jamais. Cela pourrait me resservir, quand ma femme m'aura quitté. Et puis ça ne fait de mal à personne. Surtout pas à mes cheveux épars s'écrasant sur mon ventre bombé. Pour m'aguicher, la jeunette est au téléphone avec son copain qui l'invite au restaurant ce soir. J'ai remarqué qu'à Rambouillet il y a tout un choix de restaurants gastronomiques. Et un parc, aussi. Et un château de la Renaissance conservé aussi bien que les chapeaux de Bernadette après 40 ans de frais de bouche.

Je l'inviterais bien, ma nouvelle copine, à faire un tour au bord du lac en croquant un sandwich. D'autant plus qu'il fait soleil, et que c'est propice au romantisme. Mais elle vient de déguerpir avec son sac de chèques. Je suis désormais seul au milieu des coffres, et sans clef pour les ouvrir. Je pointe un nez vers la caméra en espérant être observé. Cela peut l'inciter à revenir. J'ai besoin d'elle pour déclencher la temporisation du coffre de mon guichet. Parmi tous les allers et venus de disquettes, il faut que je secoue une caisse à billets. Je dois patienter 30 minutes à chaque fois avant d'obtenir le privilège de son ouverture. Une alarme se déclenche. Il reste une minute pour donner un coup de clef et faire la combinaison secrète. C'est la règle de base dans les banques. Un gangster est averti qu'un coffre ne s'ouvre plus comme dans les films, même avec la meilleure complicité du monde. Il vaut mieux espérer être la femme du président de la République pour vivre avec plein d'oseilles.

Ma princesse n'est toujours pas revenue me voir. Je l'appelle pourtant avec insistance à son poste téléphonique, elle doit être occupée avec un client qui a une somme d'argent importante à lui remettre. Il doit en profiter pour tailler la bavette. Il aimerait bien l'inviter à boire un verre chez lui. Elle le trouve intéressant depuis qu'elle connaît le montant de ses économies.

Cela fait une heure que je m'impatiente dans mon coin. Coupé du monde dans une salle où s'encaissent plusieurs tirelires de footballeur. Je n'ai jamais été aussi proche de la richesse. Mon amourette est toujours injoignable. Encore une qui ne goûtera pas à la pointe de mon désir. Je voudrais tout abandonner avec une liasse de billets de 50 euros sous les bras. Il y a d'autres donzelles à Rambouillet. Je les aperçois passer à travers la fente à carte bleue donnant sur l'extérieur. Si elles savaient qu'un cœur riche, à quelques coudées de leur slip à fleurs, les observe, elles se précipiteraient au comptoir de la banque pour me réclamer.
Ecrit par Raskolnikov, a 22:54 dans la rubrique "Vie professionnelle".
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Jeudi (29/09/05)
Mon weekend avec Méphisto
Ce n’est pas encore de l’amour. Je rassure mes amis qui penseraient que ma tête tourne dans le mauvais sens. Mais de l’abnégation sans prétention. Une opportunité pour mes bras ballants de trouver leur utilité après plusieurs mois d’inactivité.

En me promenant dans un couloir au siège de mon entreprise, j’entendis Méphisto au téléphone avec une petite voix mélancolique. En activant l’orifice de mes oreilles, je compris qu’un collègue venait de se désister pour raisons personnelles à une invitation pleine de labeur. Cela tombait mal car elle comptait sur lui pour ce week-end. Notre client à vocation culturelle a acheté nos services pour refaire le réseau de son magasin à Montpellier. Une équipe de sept personnes étaient indispensable pour mener à bien les travaux. Un de moins, et c’était la catastrophe.

Aussitôt que Méphisto raccrocha, je m’incrustai dans son bureau avec une haleine suave. Et prononça ses mots en toute sincérité.
«Je suis volontaire pour le remplacer.»



Samedi matin, aux aurores, je quittai ma femme et mon lit (surtout mon lit), pour aller courir en direction de la gare de Lyon grâce au transport en commun.
Je franchis le pont d’Austerlitz avec mon sac de voyage sous un crachin matinal. Je ne sais pas si c’était sous l’émotion de mon courage, mais un mal de ventre me secoua les tripes. Je dus courir aux toilettes publiques de la gare de Lyon et verser 50 centimes d’euros à la dame pipi pour avoir le droit de poser mon cul en sueur sur le bidet salutaire.

Je retrouvai deux collègues dans le compartiment du train, Samiche Depain, le surdoué en matériel informatique, et Dani, une technicienne épanouie dans le milieu masculin où elle gagne sa vie. Je posai les écouteurs de mon lecteur Mp3 au plus profond sur mes tympans et quittai ce monde pendant trois heure et demi. Au programme, le café Bazar de Mathieu Vidard, avec comme invité prestigieux, Michel Onfray. Grâce au talent d’orateur du créateur de l'université populaire de Caen, je deviens davantage athée, et je l’espère, plus philosophe.

«Faire de la philosophie est aussi un moyen de faire son analyse, sans être obligé de s'allonger sur un divan.»
Voilà ce que mon subconscient enregistra.

Puis, je passai plus d’une heure avec toute la bande du Fou du roi entourée ce jour-là de Marc Jolivet. Manque de chance, l’émission fut coupée presque en son milieu, par le président de la république. Son éminence eut la mauvaise idée de sortir de son hôpital pendant le direct de l’émission. Une autorité non identifiée décida d’interrompre les programmes pour faire écouter aux auditeurs son premier discours de convalescent. Les propos, à la limite de la clarté, du chef d’état valait-il qu’on coupe le bec à des saltimbanques en démonstration de talent?

Aussitôt le pied posé dans la capitale du Languedoc, mes collègues et moi, n’eûmes pas le temps d’entamer une visite touristique. Nous prîmes la direction de notre hôtel, puis, débarrassés de nos bagages, nous nous dirigeâmes vers notre lieu de pèlerinage professionnel. Nous en ressortîmes six heures plus tard avec le ventre creux.

A l’hôtel, une surprise incommensurable nous attendait. Elle dépassait toutes les dimensions imaginables par un cerveau humain : Méphisto, dans une tenue de soirée de saison nous accueillit sur le perron. Elle avait pris le train de 14h00 après une agréable grasse matinée. Elle était arrivée tranquillement à Montpellier alors que les premiers signes de faiblesse du jour clignaient dans le ciel encore bleue. Elle avait rejoint notre hôtel, pris sa douche et peut-être fait une petite sieste réparatrice pour récupérer du voyage. Elle avait hâte d’aller au restaurant en notre compagnie. Elle nous avoua avec son accent méditerranéen roulant les R :
«Cela me rappelle le Liban».

Effectivement, l’hôtel minable dans lequel nous avions pris notre gîte, se trouvait dans le vieux Montpellier, où la plupart des habitations sont en manque de ravalement.

Nous dûmes passés notre soirée en partageant sa table avec nos mauvaises odeurs sous les bras. Elle était venue nous rejoindre pour assister à nos ébats professionnels, ainsi que pour tenir la conversation à un représentant de notre client subrepticement de passage.

Le lendemain matin, à six heure trente pétantes, nous nous retrouvâmes pour le petit-déjeuner, c’est à dire un bol de café et deux croissants à partager pour sept. Toute l’équipe était au complet. Deux collègues marseillais ainsi qu’un breton parisien complétaient l’effectif. Nous devions démarrer les hostilités le plus tôt possible.

Quelques heures plus tard, dans la profondeur du grand magasin déserté, Dani et moi fûmes à la recherche de Méphisto. Elle était dans la salle de repos destinée aux vendeurs. Sa mine était déconfite, pâle, livide. Elle n’avait pourtant pas fait grand chose pour nous aider, à peine papoter avec le client, tout juste tirer sur un câble ou porter l’écran d’un ordinateur. Mais elle ne résistait plus à cet enchaînement de travail. Il lui manquait un peu de repos pour tenir une cadence rentable. Elle avait besoin de dormir en mettant aux oubliettes les tracasseries du boulot.

Sur le chemin de la gare pour le train du retour, c’est tout juste si nous ne lui portions pas ses affaires. Elle avait changé son habit du dimanche pour une tenue plus sobre, plus discrète. Elle réclamait d’urgence le siège du TGV pour s’assoupir jusqu’à Paris. Cela tombait bien, car par un hasard de l’informatique made in SNCF, j’étais le seul à posséder un billet de première classe.
Ecrit par Raskolnikov, a 11:43 dans la rubrique "Vie professionnelle".
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Vendredi (16/09/05)
Victorine me hait
Malgré toutes les précautions que je peux prendre au sein de ma SSII afin d’apparaître comme le plus aimable des collaborateurs, je ne peux éviter les alchimies psychologiques dans le cerveau de Victorine. Cette jolie blonde, qui colle désormais à l’ombre du directeur commercial depuis son retour de maladie, vient de me classer définitivement parmi les hors-la-loi. Sa vive intelligence empêtrée avec lucidité dans un libre arbitre de proximité m’a jugé en toute conscience. Je suis en odeur de saleté. A classer dans la catégorie des énergumènes à virer. Je ne suis plus digne de la confiance de son autorité. Quelque soit mon itinéraire professionnel passé et futur, je suis à jeter dans les toilettes en tirant trois fois la chasse d’eau.

Méphisto m’a confirmé, que durant la réunion réunissant autour du patron les commerciaux et leurs assistantes, elle s’est manifestée ostensiblement à la citation de mon nom pour un projet à venir. Comme ce n’est qu’une assistante qui s’attribue un pouvoir en proportion de son tour de poitrine, sa prestation péremptoire fut rejetée. Jusqu’à nouvel ordre, c’est moi qui aujourd’hui travaille sur le dossier. Dans une semaine, je serai en place pendant deux mois chez un client de renom.

J’ai beau étudier délicatement les relations que j’ai eues avec cette femme, je ne trouve toujours pas la clé à l’origine de laquelle elle a ouvert la boîte de Pandore retenant son crachat. Je me suis limité à de strictes relations professionnelles en sa compagnie lorsque nos routes se sont croisées sur des contrats. Je continue de lui dire bonjour dans le couloir quand je la croise avec son air à la Paris Hilton. Je deviens muet comme une carpe quand je sens son odeur dans les environs. Je ne me mêle jamais de ses apostrophes dans l’open space qu’elle adresse au premier subalterne.

Mon seul tort, si je vais dans le sens de mon flair, c’est de ne pas appartenir à sa cour. Elle s’est, en effet, constituée une cour de collaborateurs en extase permanente devant ses frasques. Dès qu’elle se lance, avec une pointe d’humour dont elle a le secret, dans une analyse contemporaine, elle trouve immédiatement en écho des rires aux éclats. J’avoue rester terne face à ses jeux de l’esprit. Je fais semblant de n’avoir rien entendu. Je pense au prochain match du PSG en imaginant un nouveau but de Pauleta.

Ce réflexe d’autodéfense est plus fort que moi. Il envahit mon corps comme un poison sans antidote. Je n’arrive pas à surmonter le signal d’alerte qui s’active dans mes neurones dès que je sens son courant d’air. Je devine une forme de danger, un piège, une manipulation A l’instar de Bernadette Chirac qui fait un signe de la main dans sa voiture grand luxe à l’attention de la populace, il y a quelque chose qui sonne faux. Une anomalie de circonstance. Le mépris de l’une pour l’autre est patent. Il faut être aveugle pour ne pas s’en rendre compte.

Dans L’Archipel du Goulag d’Alexandre Soljénitsyne, le rescapé des camps staliniens nous raconte qu’il se laissait guider par son instinct. Il ressentait ou non ses compagnons d’infortune. Il devinait à qui il pouvait se confier et vers qui il fallait impérativement rester silencieux. C’était la condition sine qua non pour survivre à la délation fatale.
Je suis sûr qu’il aurait fui Victorine. Car, dans une horde de hyènes, c’est elle qui aurait le meilleur morceau de la charogne entre les dents.
Ecrit par Raskolnikov, a 13:50 dans la rubrique "Vie professionnelle".
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Mercredi (14/09/05)
Méphisto fait lest
Les relations humaines sont parfois étranges, surtout dans un cadre professionnel. Une personne que l'on croit détester peut rapidement devenir un allié, surtout pour mener une lutte pour sa propre survie contre les aléas économiques. Dans ma SSII ce n'est pas encore "sauve qui peut", mais cela s'en rapproche. Il faut sauver sa peau. Ne pas faire parti de la charrette qui se prépare afin de franchir les portes de l'ANPE en perdant. J'ai beau avoir une confiance démesurée pour les mesures de notre gouvernement, je peine à croire que le chômage va s'abaisser sous les 5%. Il faudrait pour cela soit construire beaucoup de prisons, à l’instar des Etats-Unis ou rayer définitivement des listes les non-employables.

J'envisage déjà une reconversion. Joueur de foot ou président de la république, j'hésite encore.

Méphisto me convoqua dans son bureau ce matin. Elle m'accueillit avec une boniment sourire. Celui-ci m'apaisa. Je lui répondis poliment. Pour la première fois, je la trouvais sympathique. Elle m'expliqua délicatement qu'elle avait confiance en moi. Les troubles passés n'étaient que des mauvais souvenirs grâce auxquels nous avons appris à travailler ensemble. Je faisais désormais partie de son équipe à plein temps. Je rougissais devant tant d'éloges.

Elle avait donné mon nom à la direction pour une mission de coordinateur qui se présentait. Elle m'avait choisi car elle savait désormais que je ne me laisserais pas manipuler par l'autre Mais quel autre?
Victorine, forcément, l'ambitieuse blonde au corps encore avenant qui chatouille le directeur commercial dans le sens du poil. Le super commercial qui, de déjeuner d'affaires en déjeuner d'affaires s'était bouché les artères. Il venait de revenir d'une longue convalescence avec plusieurs ressorts à digérer dans le corps.
Victorine retrouvait des couleurs. La guerre prenait un nouveau tournant entre les deux femmes.
Il faut choisir son camp.

Avec du recul, j'ai toujours détesté Victorine. C'est le genre de femme dont les charmes passent avant les compétences. Encore que, elle ne correspond pas vraiment à mon type. Je trouve de la fadeur dans son regard et surtout beaucoup de mépris. Je me souviendrais toujours la première fois où je l'ai vue. Je venais d'arriver dans la boîte. Elle recevait dans son bureau un modeste quidam au teint très basané. Aussitôt que ce dernier lui tourna le dos, l'intrépide blonde vers qui je tendais une main ferme, fit une réflexion de délit de sale gueule. Elle ne portait vraiment pas dans son coeur ce collègue qui eut droit à une série de qualificatifs aussi péjoratifs les uns que les autres.

Méphisto me tend une main. Je dois m’en saisir. Jusqu’à présent, ses défauts corrigeaient ses qualités. Et je m’acharnais à les pointer. Elle assume son autorité avec trop de défiance vis-à-vis de ses collaborateurs. Je vais mettre de côté les casseroles que je lui ai accrochées.

Un grand gourou ne nous raconte t-il pas depuis 2000 ans que : "il faut savoir pardonner à ceux qui vous ont offensé". Et Méphisto ne m'a jamais vraiment offensé. Bien au contraire. Elle me permet d'être plus lucide sur ma condition de salarié.
Ecrit par Raskolnikov, a 21:23 dans la rubrique "Vie professionnelle".
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Mardi (06/09/05)
Ternes les ambitions
Ecrire parfois pour ne pas dire autre chose.

Laisser une trace dans l’infini du monde numérique. Une série de mots lesquels enchaînés les uns avec les autres semblent signifier une nouveauté dans le monde de l’ennui.
Je passe mon temps assis devant un ordinateur dépassé. Je dois enfoncer mes doigts avec force sur les touches du clavier si je veux voir apparaître ma pensée sur l’écran.
Mais je jette mon regard sur la montre de mon poignet. Je comptabilise les secondes pour m’avancer dans le temps. J’ai hâte de lever mes lambeaux du cul de la chaise pour respirer l’air de la rue.

Au moins-là, dans la pollution, je marche à mon rythme. J’embrasse la bouche du métro avec le plaisir de retourner vers chez moi. Là-bas, je sais quoi faire.
Ici, je m’endors en silence en guettant le moindre signe d’autorité. Je suis au service de Méphisto. Elle peut m’envoyer demain dans une ville de province. Je me lèverai à l’aube et me coucherais soul comme un polonais. Car je ne supporte pas la solitude.

Le monde du travail est devenu une pépinière.
Les épines luisent dans l’horizon.
Pour ne pas se faire piquer, il faut tantôt ce profil-là, tantôt ce profil-ci.
Tout flexible pour courber l’échine avec productivité.
Silencieux et courtois pour survivre. Maîtrise de soi et autoformation.

Le premier frémissement est un signe qui ne trompe pas. C’est l’âge du doute qui pèse sur les épaules. Tout d’un coup, on croit plus à cette kermesse. On rêve d’une autre vie.
La liberté, ici, prend tout son sens. Elle n’est plus un mot de plus sur le frontispice de mon éducation.

La rupture arrive plus vite que prévu.
Le grand bond en avant dans l’incertitude.
C’est à la fois jouissif et inquiétant.
Avec un petit coup du sort, c’est l’occasion de repartir à zéro.
Sinon, c’est la descente en enfer jusqu’à la lente dépression dans la perte du désir.

La mort devient une délivrance. Le passé est effacé dans ma poussière. Je disparais à tout jamais de la surface des ombres. Je deviens le vide de ma disparition.
Ecrit par Raskolnikov, a 14:28 dans la rubrique "Vie professionnelle".
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Samedi (13/08/05)
L'épanouisement personnel
Le monde du travail permet-il l’épanouissement personnel ? C’est en me posant cette question que je suis entré sans effraction dans le bureau d’Elle. J’avais, à la main, bien en évidence, un mot d’excuse de la SNCF pour le retard engendré par le colis suspect déposé dans la gare de Versailles-Chantiers l’autre jour.

Je m’assis dans le gros fauteuil en cuir réservé aux invités afin de lui faire face avec dignité. Elle ne souriait rien. Elle n’avait même pas craché un « bonjour ! » qui aurait pu me rassurer.
Elle commença avec excès à déblatérer comme un pitbull les reproches qu’elle avait soigneusement pianotés dans un coin de son ordinateur. Son accent méditerranéen s’était transformé en sicilien. On aurait dit un Don Corleone au féminin prononçant la sentence de mort contre un traître pris en flagrant délit. Je m’enfonçais davantage dans la souplesse du cuir afin de conserver mon sang froid.

J’eus enfin le droit de dire quelques mots pour ma défense. En vérité, elle n’avait rien à me reprocher mis à part d’avoir quitté l’open Space en pleine journée sans lui dire au revoir. Cela se fait couramment en SSII quand le collaborateur n’a plus de tâche particulière. C’est vrai, qu’à mon retour de Reims, je n’avais pas pointé le bout de mon nez le lendemain car la veille j’avais déposé mon sac de voyages dans mon appartement à 23h00. Je trouvais légitime de récupérer chez moi des longues journées précédentes tout en me tenant disponible avec mon portable.

Ma grande admiration pour notre ministre actuel des Affaires étrangères joua t-elle un rôle dans mon choix de diplomatie ? J’optai pour l’amabilité de circonstance en lui faisant de grands sourires à chaque fois que je posai mes mots. Je conservai une voix douce et claire à l’instar d’un séducteur qui vient de détecter une proie. Je fis profil bas en jurant de retenir la leçon. Je lui promis, avec tout le faux respect que j’ai pour Elle, de me plier à ses exigences de pacha. Elle récupéra son accent de libanaise venue trouver refuge en France il y a vingt ans avec la fortune de son papa banquier. Elle esquissa même un rictus à visage humain.

Plus tard, en me trimballant avec mon plateau repas dans la cantine d’entreprise à la recherche d’une place libre, je fus hélé par quelques collègues en pleine discussion autour d’une table ronde. Ils me prièrent de les rejoindre. Ils souhaitaient absolument savoir comment mon entretien s’était déroulé dans le fauteuil en cuir. Je leur fis un bref résumé tout en prenant mes précautions pour ne pas en rajouter.

Parmi nous, je remarquai la présence de Victorine. Victorine est une jolie femme qui se contemple tous les jours devant son miroir en lui demandant si elle avait une rivale dans la SSII. Il y a peu, elle avait le vent en poupe, des responsabilités commerciales et beaucoup d’affinités avec un dirigeant. Ce dernier vient de subir une attaque cardiaque. Il est sur le flanc pour quelques mois. Victorine sent que son influence périclite au sein de la hiérarchie. Et surtout, Elle et elle se détestent. Telles des chattes sur la défensive, quand elles se croisent dans les couloirs, elles ouvrent leur bouche pour cracher un râlement.

Tout en avalant les frites de son steak haché, Victorine va nous faire des révélations. Si Elle met tant d’acharnements à faire respecter son autorité, c’est pour une bonne raison. Passée dans la vie civile, cette femme dont les poils sous les bras apparaissent inopinément quand Elle gesticule est une "sado-maso". Un collaborateur, dont elle ne citera pas le nom, a eu une petite aventure avec Elle. Avait-il abusé d’un bon whisky au soir d’un pot de fin d’année? Personne ne peut le dire. Il a raconté à Victorine qu’au moment de passer à l’acte, Elle lui a tendu un martinet afin de la fouetter sur les courbures. En voyant l’engin de supplice, il a vite remis en place son caleçon et partit en courant. Il paraît qu’aujourd’hui, il court encore.
Ecrit par Raskolnikov, a 12:25 dans la rubrique "Vie professionnelle".
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Mardi (09/08/05)
Une journée en cascades
Je me suis levé ce matin au rythme du réveil, malgré l’heure très matinale. Un rasage sans saignement me rassura sur mes capacités psycho-motrices actuelles. Le coefficient de dureté de mon petit caca était raisonnable. Le bol de café n’avait pas été renversé. Bref, je pouvais aller travailler de bons pieds.

Je devais impérativement me rendre sur le site d’un de nos clients à 07h00. Pour cela, j’avais misé sur un bus régional qui en une demi-heure fait le voyage sans escarmouche.
Je me plantai à l’arrêt du bus en sifflotant sans m’inquiéter de mon unique présence sur les lieux. A l’heure dite indiquée en rouge sur le panneau des horaires le silence régnait toujours dans la rue. Quasiment aucune voiture ne circulait en ce jour auguste. Cinq minutes plus tard, je commençai à m’impatienter. J’imaginai déjà une lettre de réclamation à destination de la compagnie de transport pour exiger des indemnités de dédommagements pour le retard. Afin d' argumenter avec assurance, je m’approchai plus encore du panneau quand je remarquai une petite ligne en italique :
Cette ligne ne fonctionne pas du 1er au 29 août.
J’écarquillai les yeux comme un dégénéré. Je sentis augmenter ma palpitation cardiaque. Je décolai avec la volonté d’un sprinter en direction de la gare SNCF.

Assis dans le wagon, je me relaxai en dévisageant les passagères présentes dans mon champ de vision lorsqu’une annonce retentit avec fracas :
«La gare de Versailles-Chantier est actuellement évacuée en raison de la présence d’un colis suspect. Votre ligne est pour l’instant interrompue jusqu’à nouvel ordre !»
Je frappai un grand coup contre la banquette. Je me levai avec des pensées nauséeuses. Je déteste être en retard même pour un rendez-vous professionnelle. Je maudis le distrait qui avait oublié son bagage dans la gare de ma destination.

Je repris mes esprits et eus une idée lumineuse. Ma femme qui n’avait pas encore quitté notre domicile pouvait encore m’attraper en voiture et me faire passer l’obstacle. Cela lui engendrerait un détour, mais en plein mois d’août la circulation est beaucoup plus fluide en région parisienne. Je l’appelai donc immédiatement.

Je tombais sur sa boîte vocale. Elle devait être dans le parking sous-terrain. Je lui laissai un message. Je l’appelais une seconde fois, puis une troisième, une quatrième…Elle ne répondit toujours pas. Enfin, dans une dernière tentative, elle décrocha.
Elle m’expliqua que la porte de notre parking était bloquée. Elle ne pouvait pas pour l’instant sortir la voiture. Elle espérait le passage d’un voisin débrouillard au courant des astuces à mettre en place pour déjouer la mécanique rouillée.
Je lui souhaitai une bonne journée.

Le train démarra une heure plus tard. J’arrivai chez mon client à 09h00 l’air abasourdi. Je lui expliquai en longs et en large la série de cascades en travers de ma route ce matin. Et je me mis au travail en courbant l’échine.

Ce soir, de retour à la maison, je mis en route mon ordinateur pour consulter mon courrier professionnel. Et pour la première fois depuis que je passe du temps dessus une erreur système se manifestait pendant le processus de démarrage. Il fallut que je reboote une dizaine de fois, en mode sans échec, en mode avec échec, sans les mains, avec les mains…

Et je trouvai dans ma messagerie un email de ma supérieure hiérarchique, c'est-à-dire Elle dont le qualificatif de chef de projet lui va aussi bien que le ministère des affaires étrangères à Douste-Blasy, c’est peu dire si elle est compétente. Elle me demandait bien entendu de justifier mon retard lequel avait outré notre client.

Il ne manquerait plus qu’une grève sur TF1 m’empêche de regarder Qui veut gagner des millions ce soir à la télévision!
Ecrit par Raskolnikov, a 20:42 dans la rubrique "Vie professionnelle".
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