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Victorine me hait
Malgré toutes les précautions que je peux prendre au sein de ma SSII afin d’apparaître comme le plus aimable des collaborateurs, je ne peux éviter les alchimies psychologiques dans le cerveau de Victorine. Cette jolie blonde, qui colle désormais à l’ombre du directeur commercial depuis son retour de maladie, vient de me classer définitivement parmi les hors-la-loi. Sa vive intelligence empêtrée avec lucidité dans un libre arbitre de proximité m’a jugé en toute conscience. Je suis en odeur de saleté. A classer dans la catégorie des énergumènes à virer. Je ne suis plus digne de la confiance de son autorité. Quelque soit mon itinéraire professionnel passé et futur, je suis à jeter dans les toilettes en tirant trois fois la chasse d’eau.
Méphisto m’a confirmé, que durant la réunion réunissant autour du patron les commerciaux et leurs assistantes, elle s’est manifestée ostensiblement à la citation de mon nom pour un projet à venir. Comme ce n’est qu’une assistante qui s’attribue un pouvoir en proportion de son tour de poitrine, sa prestation péremptoire fut rejetée. Jusqu’à nouvel ordre, c’est moi qui aujourd’hui travaille sur le dossier. Dans une semaine, je serai en place pendant deux mois chez un client de renom. J’ai beau étudier délicatement les relations que j’ai eues avec cette femme, je ne trouve toujours pas la clé à l’origine de laquelle elle a ouvert la boîte de Pandore retenant son crachat. Je me suis limité à de strictes relations professionnelles en sa compagnie lorsque nos routes se sont croisées sur des contrats. Je continue de lui dire bonjour dans le couloir quand je la croise avec son air à la Paris Hilton. Je deviens muet comme une carpe quand je sens son odeur dans les environs. Je ne me mêle jamais de ses apostrophes dans l’open space qu’elle adresse au premier subalterne. Mon seul tort, si je vais dans le sens de mon flair, c’est de ne pas appartenir à sa cour. Elle s’est, en effet, constituée une cour de collaborateurs en extase permanente devant ses frasques. Dès qu’elle se lance, avec une pointe d’humour dont elle a le secret, dans une analyse contemporaine, elle trouve immédiatement en écho des rires aux éclats. J’avoue rester terne face à ses jeux de l’esprit. Je fais semblant de n’avoir rien entendu. Je pense au prochain match du PSG en imaginant un nouveau but de Pauleta. Ce réflexe d’autodéfense est plus fort que moi. Il envahit mon corps comme un poison sans antidote. Je n’arrive pas à surmonter le signal d’alerte qui s’active dans mes neurones dès que je sens son courant d’air. Je devine une forme de danger, un piège, une manipulation A l’instar de Bernadette Chirac qui fait un signe de la main dans sa voiture grand luxe à l’attention de la populace, il y a quelque chose qui sonne faux. Une anomalie de circonstance. Le mépris de l’une pour l’autre est patent. Il faut être aveugle pour ne pas s’en rendre compte. Dans L’Archipel du Goulag d’Alexandre Soljénitsyne, le rescapé des camps staliniens nous raconte qu’il se laissait guider par son instinct. Il ressentait ou non ses compagnons d’infortune. Il devinait à qui il pouvait se confier et vers qui il fallait impérativement rester silencieux. C’était la condition sine qua non pour survivre à la délation fatale. Je suis sûr qu’il aurait fui Victorine. Car, dans une horde de hyènes, c’est elle qui aurait le meilleur morceau de la charogne entre les dents. Ecrit par Raskolnikov, le Vendredi 16 Septembre 2005, 13:50 dans la rubrique "Vie professionnelle".
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