J’ai repoussé jusqu’au dernier moment mon envie d’appuyer sur le bouton marche/arrêt de ma télévision. La tête en promenade sur les bords de la Neva, je circulai à St-Pétersbourg entre l’Hermitage et la maison de Dostoïevski en écoutant France Culture. Et à cinq minutes du verdict, mon tube cathodique s’est allumé.

J’ai d’abord aperçu une tête de journaliste en direct de St Cloud parmi les militants FN. Les quelques mines souriantes qui apparaissaient derrière lui ne laissaient rien présager de bon. Quand je remarquai un gobelet levé au champagne, je n’avais plus aucun doute.
Je m’enfonçai dans mon canapé et avalai ma tisane à grandes lampées.

Ce matin, en m’étirant aux sons de France inter, mon café ne me parut ni amer, ni sucré. Dans le train à l’heure bondé comme un lundi matin, les voyageurs ne semblaient pas forcément plus agités que d’habitude. Mes collègues, devant la machine à café, commentaient les résultats de la dernière journée de Ligue 1 et le sauvetage miraculeux du FC Nantes. Devant mon écran d’ordinateur, je suis dans l’expectative pour synthétiser ce qui vient de se passer en France.

La victoire sans bavures du Non est-elle un événement historique ?

Je pense d’abord à notre reine qui a dû lever son mari plus tôt que d’habitude. Il a du travail aujourd’hui. Il faut trouver un remplaçant d’urgence à ce pauvre Jean-Pierre qui aura été mauvais jusqu’au bout. Heureusement qu’il a trouvé le temps de confirmer sa sœur à la chambre d’industrie et de commerce de la Vienne avant de partir.
Il faut faire vite réunir la cour pour faire un point sur l’effectif encore présentable aux Français en colère.
Il paraît que Douste tient une corde sérieuse. C’est lui qui fait briller les escarpins de Bernadette dans le petit salon de l’Elysée. Il a donc toutes ses chances.

Les conservateurs anglais ont sabré le Champagne. George Bush a embrassé Laura sur le front. La Bourse est en hausse. Tous les signes sont bons pour le néolibéralisme à l’anglo-saxonne. Les fêtards de la Bastille qui se sont octroyés hier soir l’espérance de jours meilleurs ne se mettent-ils pas un doigt dans l’œil ?
J’ai l’impression que la France est un vieux pays qui a peur de l’avenir. L’Europe politique appartient désormais aux utopistes de bons alois.

Alors que nous connaissons à peine notre constitution, nous nous sommes emballés à démonter le texte de Bruxelles. Si Giscard ne l’avait pas baptisé « Constitution », nous aurions pu nous passer de ce référendum.

Les derniers mots sont pour Paul Bouchet, l’ancien président d’ATD Quart Monde.

Le combat ne doit jamais s’arrêter au débat. La société civile doit continuer ses actions pour que l’Europe se construise à hauteur de nos rêves. La Constitution est une volonté en action. Aux citoyens de se battre pour l’effectivité des droits.