Réflexions momentanées - Paris Hilton ou Britney Spears

Après avoir aplati les coussins du canapé en fêtant l’essai du XV de France contre l’Ecosse, ma femme me tendit sa liste de courses et me dit :
« Vas donc au supermarché si tu n’as rien d’autre à faire ! »
J’acquiesçai comme un mari fidèle qui veut faire plaisir à son épouse.

En prenant mon caddy, je décidai de passer un instant dans le kiosque à journaux pour acheter mon hebdomadaire télé préféré. Tandis que le client précédent vidait son porte-monnaie pour trouver quelques pièces, j’observai la couverture d’un magasine sur laquelle posaient en rivales deux blondes savoureuses. L’une au regard lisse et vide m’allumait avec ses belles jambes qu’elle dévoilait sans montrer d’efforts. L’autre, un peu potelée et très maquillée affichait un sourire à dollars qui ne me donnait pas confiance.

Quand mon tour fut venu je demandai avec stupéfaction au vendeur :
« Je voudrais Télé Paris Hilton!
- Je suis désolé. J’en ai pu. Mais il me reste encore des Télé Britney Spears. »

J’acceptai le deal et décidai de feuilleter le journal que je venais d’acheter pour répondre à l’élan de ma curiosité. Sur chacune des pages, il y avait la photo de la fille à dollars qui nous donnait ses conseils pour le choix des programmes. Je le rangeai très vite pour me concentrer dans mes emplettes au supermarché.

Je commençai par acheter des pommes. Il n’y en avait que deux sortes. Des pommes jaunes et des pommes vertes. Des pommes Paris ou des pommes Britney. Comme ma femme n’avait rien précisé sur sa liste, j’optai pour les pommes Paris. A ma grande surprise, dans les autres rayons, la binarité était aussi de rigueur. Yaourt nature ou yaourt au fruit. Viande rouge ou viande blanche Lessive en poudre ou lessive liquide. Seules deux marques se concurrençaient Paris Hilton ou Britney Spears. Même le vin subissait cette loi commerciale. Sur l’unique vin blanc, je découvris la tête de la blonde aux grandes jambes. Le vin rouge s’appelait Château Britney. J’étais décontenancé en me rangeant dans une allée pour régler mes achats.

La caissière passait les articles avec un certain désarroi devant ma triste mine. Elle n’ouvrit pas la bouche d’un iota, sauf pour me dire comment j’allais régler. Je m’apprêtai à lui répondre lorsque je découvris son badge. Elle s’appelait Britney !!! Je poussai un grand cri et prit la poudre d’escampette. Je m’engouffrai dans ma 206 diesel en bloquant l’ouverture des portes. Je tremblai comme les branches d’un arbre secouées par une tempête.

Lorsque je repris mes esprits, je me donnai du courage pour aller fréquenter un autre commerce. Je ne m’imaginai pas affronter le regard de ma femme si je revenais à la maison les bras vides. J’aperçus une enseigne EG, un hard discount de quartier. Je quittai la voiture et me plantai devant l’ouverture du magasin. Mes yeux s’écarquillèrent. Je fus pris de syncope. Sur l’enseigne EG, je reconnus les traits d’Elodie Gossuin.