J’attends depuis bientôt une demi-heure sur le quai. Je commence à m’impatienter. Il fait froid et la neige continue de tomber. Je sens l’humidité de mes pieds doucement m’envahir. Les haut-parleurs viennent de résonner pour nous annoncer que le train avait un « problème matériel ».

Je reviens de mon entretien. Je pense avoir réussi à maîtriser à peu près ma timidité. Je fis face à deux hommes accueillants et sûrs d’eux. Je corresponds tout à fait au profil. C’est une place en or.
Mais nous sommes six encore sur la liste pour une seule place. Cela fait 16% de chance.
Il y a une étude graphologique en cours.

J’ai l’impression d’être un intermittent du travail. Je cours les castings comme le ferait un comédien qui cherche à décrocher le rôle de sa vie. L’emploi semble désormais un luxe.
Mes cinq « rivaux » doivent certainement me ressembler. Je les imagine en train de mettre à jour leur blog pour faire une synthèse de leur entretien.

Hier soir, j’ai regardé La Grande séduction, ce film pathétique canadien grâce auquel je retrouvai pour un soir le goût du fou rire. Les sympathiques habitants de Sainte-Marie la Mauderne doivent impérativement convaincre un médecin de venir vivre sur leur île. C’est la condition sine qua non pour la construction d’une usine dans ce trou perdu. Les hommes, tous d’anciens pêcheurs, ne survivent que de subsides de la part de l’Etat. Ils veulent travailler. Ils veulent rentrer tous les soirs à la maison le corps fatigué, mais l’esprit digne.

J’étais heureux, ce matin, en prenant le train à une heure de pointe.