Dans la basilique Saint-Jean-de-Latran, à Rome, on assiste depuis quelques temps à une curieuse cérémonie. Tous les jours, devant les fidèles en prière, le père Edoardo met un doigt à la statue représentant le saint pape Sylvestre II. Se lance t-il, avec un peu de retard dans l’apprentissage des plaisirs de la vie ? Recherche t-il une nouvelle sensation pour décrisper ses mains habituées aux cierges et au bréviaire ? Veut-il se faire remarquer de sœur Bernadette de passage dans la capitale italienne ?

Non, rien de tout cela. Il vérifie, selon la tradition, que la statue ne suinte pas. Car celle-ci est réputée devenir humide lorsque la mort d’un pape approche.

« La statue est froide, mais sèche. » se dépêche t-il de raconter à sœur Bernadette.

La sentence tombée, notre brave femme enturbannée pour cacher son visage, fait un grand signe de croix et s’écarte de la foule. Elle décroche un portable de son sac à main Vuitton et engage une conversation avec un correspondant pour lui faire part de la bonne nouvelle.

Quelques heures plus tard, quand démarre le journal télévisé de vingt heures, l’information a déjà été transcris sur le prompteur de la présentatrice au brushing. Qu’importe qu’à l’autre bout du monde, une centaine de personnes ont été pulvérisées par un attentat suicide, que l’on continue de massacrer au Népal ou ailleurs, le premier titre est pour notre saint Père qui a subi une courageuse trachéotomie. Il est même apparu derrière sa fenêtre d’hôpital, silencieux, mais vivant. Un journaliste avec un micro fluorescent est en direct du Vatican. Il commente l’image historique avec beaucoup d’émotion. On a même droit à un ralenti.

Demain, c’est lui qui accompagnera le père Edoardo auprès de la statue.
Pourvu qu’elle ne mouille plus jamais, car ainsi, nous pouvons continuer d’ignorer la misère du monde avec la bénédiction du Seigneur.