A la veille d’une énième grève de nos amis de la SNCF, ce matin, j’étais plutôt fier en entrant dans la gare de ma banlieue profonde. Je regardai crânement une paire de Jeunes à casquette alignés dans le hall en toute impunité. Ils ne m’impressionnaient pas malgré leurs regards arrogants et leur costume des cités. J’eus même la témérité de lancer des œillades à leur meuf occupées à porter leur sac de sport.

Je dégainai avec une dextérité à la Clint Eastwood, dans la poche droite de mon pantalon taille 42 la carte intégrale cinq zones qui ne quittent jamais. Je m’approchai en me laissant guider par le hasard vers l’un des dix tourniquets à ma disposition afin de m' ouvrir le salut du transport en commun.
Et là, en toute quiétude, je passai mon Sésame devant le faisceau de contrôle.

Un voyant vert s’alluma accompagné d’un signal sonore de félicitation. Je pouvais pousser le tourniquet sans me retourner. Ce que je fis immédiatement. Mon bras, d’une petite force vive, poussa le manche métallique. Et quelque chose d’imprévu se produisit…

Il ne bougeait pas. Impossible de passer de l’autre côté. J’étais bon à recommencer ma manœuvre dans une autre machine.

Je fis marche arrière sans regarder les Jeunes. J’optai pour le tourniquet le plus à droite, celui qui a l’air le plus discret. Je refis passer ma carte : Voyant rouge et sonorité suspecte. Un message sur le devant de la machine précisait que j’étais un voyageur déjà validé !

J’eus l’idée d’essayer de passer mon coupon. Situation inchangée. J’étais considéré comme étant déjà dans le train en direction de la Défense, et surtout pas à essayer de refaire du tourniquet.

Pareil mésaventure m’était déjà arrivée dans le passé. Mais, jusqu’à aujourd’hui, je pouvais faire du tourniquet à volonté.

La SNCF a donc déjà mis en place un système qui contrôle les passages dans les gares de chaque voyageur. Nous sommes tous les jours enregistrés dans une base de données. Nous ne pouvons plus passer à satiété dans les systèmes de contrôle d’une même gare.

Comme je ne désirais pas rater mon train, je me mis à genoux pour passer sous le tourniquet comme beaucoup de mes concitoyens le font tous les jours. J’appuyai ma tête contre la porte battante. Et deuxième mauvaise surprise, elle résistait ! Dans la position fâcheuse du resquilleur maladroit, je déclenchai les rires des Jeunes.

Je me relevai rouge comme un homme en colère, mais avec l’allure honteuse. Je me précipitai hors de la vue de mes moqueurs pour échapper au ridicule.

Une vaillante guichetière me remit le ticket ci-dessous. A priori, je n’étais pas la première victime du tour du tourniquet. Je la remerciai avec bienveillance et je passai à toute vitesse dans un nouveau tourniquet en oubliant la risée dont j’étais l’objet derrière mon dos.