Hier soir, je voulais passer une soirée formatée en regardant un téléfilm bien de chez nous. J’optai forcément pour la première chaîne française dont on connaît les aptitudes pour rendre nos cerveaux disponibles à la publicité entre une Julie Lescaut et une émission d’animateurs millionnaires.

Je m’installai dans mon canapé moelleux prêt à rebondir sur ma télécommande au cas où l’intrigue agiterait trop mes neurones.

Le générique démarra avec une note de justice pour nous rappeler que le tueur en série Francis Heaulme n’était pas inculpé dans le double meurtre de Montigny-lès-Metz.

J’acquiesçai en me demandant quel était le rapport avec les enquêtes de la commissaire rousse qui s’achèvent toujours avec l’arrestation du vrai coupable.

Les premières images défilèrent avec d’un côté de l’écran Bernard Giraudeau tirant avec un arc dans les bois et de l’autre un errant patibulaire que l’on n’aimerait pas croiser sur sa route.

J’aperçus le corps meurtri d’une pauvre femme sur une plage bretonne. Le nom de Véronique Genest n’était pas apparu dans la distribution. Décontenancé, j’eus un moment d’hésitation avant de changer de programme. Me laisserai-je mordre par l’hameçon inédit proposé par la chaîne favorite d’Endemol et de l’UMP ?

« Dans la tête du tueur » est tiré du livre du même nom écrit par un gendarme qui enquêta trois ans durant sur les traces de Francis Heaulme. Nous faisons la rencontre captivante avec l’un des plus grands serial killer français. Nous pénétrons bien dans le cerveau d’un type complètement dérangé qui assassina une centaine de personnes sur son chemin. Car le tueur que les psychiatres ne considèrent pas comme fou se laisse guider pas son instinct et sa schizophrénie. Il n’avoue aucun crime, mais les raconte par détails et dans le désordre. Il est à la fois l’assassin et le témoin de ses effroyables crimes. Thierry Frémont joue à merveille le pire personnage de sa carrière en reprenant ses tics et ses intonations de voix.

Je ne zappai pas durant deux heures même pendant l’inévitable pause publicitaire.

On y apprend que dans le droit français il est interdit de continuer une enquête à partir du moment où l'on tient l'assassin. L'enquêteur ne peut poursuivre ses investigations vers d'éventuels autres crimes. C'est pour cela qu'il est difficile d'attraper un tueur en série.

Que cela fait du bien de déguster un téléfilm de qualité avec de vrais personnages.
La chaîne appelle cela « le fiction du réel ». C’est un nouveau concept mis au point par leur marketing. C’est tout simplement un téléfilm tiré de faits réels.

Dans leur tour de Boulogne, les dirigeants financiers ont longuement réfléchi avant d’accepter de produire un tel projet. Ils craignaient que les téléspectateurs délaissent leur programme par manque de suspens. Au départ prévu pour deux parties de quatre-vingt dix minutes, le téléfilm fut réduit à une heure quarante. Il ne faut pas pousser non plus trop loin le bouchon.

En me réveillant ce matin, je décidai d’aller déposer une fleur arrachée d’un vase dans le premier lieu de culte que je croiserai. Car c’est un véritable miracle qu’un programme de qualité soit diffusé sur TF1.