Il s’empare de mon guidon accessible à l’entrée du grand magasin contre un jeton sans valeur.

Il me trimballe dans les rayons, les uns après les autres, entassant dans mon ventre ses biens de consommation.

Je croise quelques semblables dans les allées. Je me moque de ceux dont les roues grincent sur le parquet.

Je suis vidé par une main frêle puis rechargé illico. Un regard noir, au loin, surveille que tout ce que je transporte a une correspondance marchande en euros.

Des odeurs alimentaires commencent à s’éparpiller tout le long de ma carcasse. Ce que je crains le plus, c’est la feuille de salade décatie. Elle agonise plusieurs jours avant qu’un coup de vent ne la désintègre.

Pendant de longues minutes, je roule sur le bitume dans l’indifférence générale. J’arpente un décor inhospitalier.

J’ai hâte de retrouver mon abri une fois ce travail bien accompli. Je mérite un retour au bercail prêt pour un nouveau service.

Il en a décidé autrement. Après avoir récupéré ses sacs plastiques, il n’a plus besoin de moi. Je ne vaux plus rien. Je peux être abandonné n’importe où.

Je suis le moyen de l'homme pratique.