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Le samovar
Quand je lis un roman russe, je marque toujours un temps d’arrêt quand l’auteur décrit la présence d’un samovar. Il est la plupart du temps au centre de la pièce en train de bouillir. Il réchauffe le thé qui va bientôt remplir un estomac.

Il représente l’hospitalité, le réconfort, la pause. Avaler du temps patiemment.

Au cours d’une promenade dans les souks du Caire il y a quelques années, je tombai nez à nez avec le samovar de mes rêves. Malgré son oxydation avancée, je le reconnus immédiatement. Je ne négociai rien au vendeur. Je déposai mes livres égyptiennes sans me faire prier.
Au bout de quelques minutes, il me fut à nouveau présenté, nettoyé des crénelures au poinçon, dans son relief parfait.
Quelques instants plus tard, j’étalai mon trésor sur une table du Café Fushawi en fumant le narghilé.

Il est tout en laiton avec des bosses en cuivre. Le brasero reflète mon image en la déformant assez pour me donner mauvaise mine. Les chaudières sont élancées comme une coupe. L’éperon supporte le robinet à la figurine en forme de trèfle.

Il trône désormais dans mon salon pour le plaisir des visiteurs.

Ils ne sont pas nombreux à le remarquer. S’ils y font attention, c’est souvent en se demandant à quoi cela sert ! Je modère leur absence de curiosité en regrettant de ne pas trouver l’occasion de partager mon admiration pour l’objet.

Et puis, ce soir-là, Joël vint.
Joël est un homme taillé dans du roc qui n’a jamais craint personne. Un hédoniste comme les aime Michel Onfray. A 78 ans, il ne s’impatiente pas de passer sur l’autre rive, et continue de croquer dans la vie avec passion.

Il a parcouru le monde de long en large, avec sa compagne Claudie, dans un camion aménagé pour le périple et les imprévus.
Il a roulé jusqu’à Kinshasa, dans cette Afrique de misère et de dépaysement. Il a traversé l’Amérique du Nord jusqu’au Sud, pendant deux ans, en prenant le temps de faire halte à son rythme, dans les havres les plus insolites.

Quand il se met à parler de ses voyages, c’est toute la passion d’un homme qui démarre. Il raconte dans le moindre détail un événement. Il y met toute sa gouaille, toute sa personnalité. Son interlocuteur se tait avec admiration. Il faut vite lui servir un nouveau verre de vin pour un autre récit.

Quand il entra dans le salon, il le remarqua immédiatement. Il s’approcha de lui, le caressa pathétiquement et me murmura dans l’oreille :
« Il a une âme ce samovar. S’il pouvait parler, il nous conterait bien des histoires. »

Je me mis à rougir. Je fus comblé et quelque part désarmé par la remarque inattendue de mon convive.
Je n’aurais pas imaginé que, lui le grand voyageur à la vie bien remplie, se pencherait avec délectation sur mon trésor.

Au moment de nous quitter, il jeta un dernier regard en direction du samovar. Il semblait émettre comme un regret. Il aurait aimé savoir dans combien de salon il fit bouillir le thé avant de prendre retraite dans le mien. Dans le miroitement de la dorure, il y avait certainement aperçu quelque chose qui lui ressemblait.
Ecrit par Raskolnikov, le Vendredi 25 Mars 2005, 12:35 dans la rubrique "Personnel".


Commentaires :

  Khachoe
Khachoe
25-03-05
à 13:15

tout me parle...
je n'aurais jamais pu passer à côté sans le remarquer.
Le thé, les samovar et moi c'est une grande histoire.
Ah l'enfance :)