Dans la vingtaine de pays que j’ai eue la chance de visiter, celui qui m’a le plus glacé reste la Chine.

Non pas à cause du climat, c’était en plein mois de décembre et Pékin vit en dessous de zéro à cette période-là, ni à cause du bon peuple chinois toujours prêt à vous proposer un couvert à n’importe quelle heure de la journée, ni du fait de cette modernité soudaine qui envahit les villes transformant les hutongs, ces vieux quartiers historiques, en centres commerciaux, mais parce que la dictature est omniprésente même-là où on ne la soupçonne pas.

C’est le seul pays où j’ai vu, sous mes yeux, des hommes et des femmes se faire embarquer illico presto dans des camionnettes express surgissant de nulle part.

C’était sur la place Tiananmen, à quelques coudées de l’entrée pour la Cité interdite. Nous, touristes, étions sereins devant ce haut lieu de rassemblements pendant la Révolution culturelle. Nous prenions des photos en toute tranquillité. Il n’y avait plus aucune trace du massacre des étudiants en 1989.

Quand soudain… Des hommes et des femmes de tout âges, se mirent à brandir des panneaux en sinogrammes et en anglais autour de nous, tout en vociférant. Dans la seconde, des policiers en civil se jetèrent sur eux, les plaquèrent au sol et les firent disparaître de notre vue.

Au moment de pénétrer dans la résidence impériale, notre guide s’aperçut que l’un d’entre nous manquait à l’appel. Nous le retrouvâmes une heure plus tard, à la fin de notre visite. Le pauvre avait été embarqué également parce qu’il avait pris des clichés en direction des arrestations musclées. Il fut relâché après avoir effacé les photos de la mémoire de son appareil numérique. Il nous expliqua qu’on l’avait questionné en français pour connaître le fond de ses intentions.

Ces hommes et ces femmes qui tous les jours sont enlevés à la barbe des touristes appartiennent à la secte Falungond. C’est un mouvement spirituel que combattent sans mesures les autorités chinoises. Il constitue la seule opposition politique au régime communiste.

Le grand bon économique chinois s’effectue avec la bénédiction des pays riches. L’homme du peuple qui abandonne sa campagne pour s’entasser dans la cohue urbaine en travaillant sans compter ses heures, le fait docilement, sans grève, sans couverture sociale, sans retraite.

C’est le pays idéal pour faire exploser les indices de la croissance. Les groupes industriels qui s’y installent ont très vite un retour sur investissement.

Et l’état chinois emporte de fabuleux excédents en devises. Il peut moderniser la puissance de son armée, donner encore plus de moyens à sa police pour contenir les mauvaises humeurs.

Et surtout, avec la bénédiction de Georges Bush, il investit dans les bons du Trésor américain et finance ainsi le déficit budgétaire des Etats-Unis.