Le zapping de Canal+ a cette caractéristique, de permettre au téléspectateur peu attentif de survoler en cinq minutes le petit monde de la télévision, de Tf1 la toute puissante à Arte la discrète.

Nous eûmes droit cette semaine à une séquence d’anthologie. J’espère que les historiens tomberont dessus en se promenant dans les couloirs de l’INA d’ici quelques dizaines d’années. Cela les aidera à comprendre notre époque.

Après une séquence apologique sur la mort du pauvre prince Rainier, Jean-Pierre Pernaud apparu en gros plan avec une mine livide.

Pour les non initiés, Jean-Pierre Pernaud est au journal télévisé ce que le rabatteur est à la prostitution. Il a pour but premier de tenir en éveil la France profonde à 13h00 pour la disposer à avaler les téléfilms américains qui suivent dans la grille de la chaîne. La tâche n’est pas facile, mais l’homme dispose d’un sacré talent de malhonnêteté pour y arriver.

Je me souviens avoir entendu ses propos au cours d’une émission de radio où le micro lui avait été tendu pour donner son avis sur les 35h. Ce jour-là, il passait la journée à Eurodisney, gracieusement invité en tant que people, avec sa petite famille.
Il tint des commentaires que même en fin de banquet à la kermesse du MEDEF le plus extrême des patrons ne déverse pas.
L’homme est à droite toute avec tout le dédain possible pour les classes démunies.

Livide et hagard, il était donc ce jour-là après plusieurs longs reportages à la gloire du feu souverain de Monaco. Il récupéra le flot de l’émotion qui le submergeait et nous dit avec une voix tremblotante :
« C’était un homme bien ! »

Dans le même acabit, j’ai une tante qui a l’habitude de donner son avis sans nous demander si ça nous intéresse.
Elle vit heureusement entourée de son mari, ses enfants et petits enfants lesquels constituent le cercle de sa vie. Elle n’a jamais vraiment cherché à explorer ce qui se passe en dehors de ce cercle. C’est pourquoi elle voue un culte immodéré pour la télévision qui lui permet de temps en temps d’avoir un regard vers l’extérieur. Elle fut un moment communiste, puis mitterrandienne, pour finir aujourd’hui béate devant Mme Chirac.
Si, par malheur, vous dites du mal de la première dame de France devant elle, vous pouvez attraper un chapelet et commencer à prier pour le salut de votre âme.

De retour d’une séance cinéma particulièrement bouleversante, ma mère qui était encore dans le cauchemar de Darwin décrocha son téléphone. C’était ma tante qui avait une salutaire envie de parler.
Alors que ma mère cherchait dans leur conversation à dire quelques mots sur les malheurs des tanzaniens, ma tante s’exprima avec ses plus beaux mots :
« C’est triste la mort du pape ! »