Quand je dois sortir du lit les matins de semaine, je compte sur France Inter pour activer les neurones de mon cerveau en jachère.

Sur le coup de 07h00, j’ouvre un œil au son de la voix de Stéphane Paoli qui lance le sommaire de l’actualité. Vers 07h20, les lèvres trempées dans le café, je laisse mes poils s’hérisser pendant la chronique pathétiquement ultralibérale de Jean-Marc Sylvestre. Aux alentours de 08h00, je suis sous la douche mais j’écoute toujours l’intermède de Caroline Cartier tout en me passant un gant savonneux sous les bras. Je suis déjà rasé lorsque Bernard Guetta nous donne une leçon de géopolitique.

Et ce rituel matinal peut se poursuivre jusqu’au mot de la fin d’Alain Rey.

Bref, je suis en pleine forme en quittant mon domicile pour le monde du travail et suffisamment informé pour tenir une discussion autour d’une machine à café.

Mais depuis bientôt trois semaines, il y a comme un grincement. Au moment de sortir de mon sommeil, une voix féminine très ordinaire annonce « qu’en raison d’un mouvement de grève du personnel administratif et technique les programmes sont momentanément interrompus. »

Et je pousse un râlement poussif en cognant sur mon radio-réveil. Car non seulement je n’entends pas les voix familières de mes journalistes préférés, mais en plus je dois supporter une musique si discordante qu’elle me fait très vite plonger dans un coma dépressif.

Je dois vite trouver une station qui parle même si un jingle publicitaire retentit toutes les cinq minutes.

Mais que se passe t-il dans la Maison ronde en bord de Seine émettrice de tant de bonheur radiophonique ?

Il paraît que le petit personnel, c'est-à-dire celui qui trime anonymement dans un bureau ou qui appuie sur les boutons d’enregistrement, réclame une augmentation de salaire comparable à celui obtenu il y a peu par les journalistes.
Au bout de quelques jours de négociation, la direction a proposé une « indemnité de fonction » et le paiement des jours de grève.
Tout aurait été dans le meilleur des mondes si les syndicats ne subodoraient pas dans le nouvel instrument salarial proposé une volonté déguisée de préparer une future sortie de Radio France de la convention collective de l’audiovisuel public.

Et là, tout se complique. Le débat vient de dériver vers le spectre de la privatisation. Plus les jours avancent, plus la grève devient dure et les programmes disparates sur la grille.

Je vais devoir cogner encore longtemps sur mon radio-réveil.

Ce matin, en me réglant sur RMC, j’ai eu le plaisir d’entendre commenter l’actualité par Jean-François Kahn. J’aime beaucoup les interventions de cet homme qui a toujours l’œil vif et beaucoup d’humour pour nous apporter un peu de clairvoyance dans ce monde obscur.
Il vient de sortir son dernier livre « Dictionnaire incorrect » que je m’empresserai bien de lire.