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Notion de tragédie
--> par Michel Onfray
L’étymologie de tragédie suppose que l’on sacrifie le bouc. Cela renvoie au théâtre grec qui suppose la purification, la catharsis.
Il y a, dans le temple de Delphes, un oratoire consacré à Esculape, le dieu de la médecine, où on pratique une médecine extraordinaire. On sacrifie des animaux, les fameux boucs, et d’autres animaux aussi. On dépèce ces animaux. On met les peaux dans des pièces et les gens, qui viennent pour se faire soigner, dorment dans ces pièces sur les peaux des animaux sacrifiés. Il y a des cérémonies bachiques. On chante, on crie. Il y a du thermalisme, d’une certaine manière. Et puis, il y a du théâtre. Il y a une fonction thérapeutique au théâtre. Tragédie et comédie. On a des affects. Il faut s’en purifier avec de la tragédie, c'est-à-dire qu’il s’agit de jouer quelque chose qui sera douloureux, donc du crime, de l’inceste, du parricide, tout ce qu’on trouve chez les tragédiens, Eschyle, Sophocle, Euripide.

la catharsis, donc la purification, permet la terreur et la pitié, souligne Aristote. Quand vous avez joué de terreur et de pitié, que vous avez fait de la tragédie l’occasion d’une purification, une catharsis de vous-même, alors vous recouvrez la santé.

Le théâtre, c’est l’occasion de scénographier des corps, mais aussi de décrire des passions, des pulsions. Quand on les aura vécues, sur le mode de la mise à distance, de la scène, on pourra s’en préserver. On pourra s’en dispenser de les vivre au quotidien. C’était vaguement la pensée grecque sur ce sujet.
L’expression « c’est tragique ! » que l’on utilise aujourd’hui vient du théâtre grec.

Qu’est-ce que le tragique ?
C’est ce qui se trouve à égale distance de l’optimisme et du pessimisme. L’optimiste voit le meilleur partout et le pessimiste voit le pire partout. C’est le fameux verre, à moitié plein ou à moitié vide. Cela dépend si c’est de l’huile de ricin ou un château Yquem . Votre verre, à demi rempli, est à demi plein ou à demi vide. On est dans une subjectivité absolue. Le tragique, c’est celui qui n’est, ni optimiste, ni pessimiste, mais voit le réel comme il est. C’est la définition que j’en donnerais. Un grand philosophe d’aujourd’hui, Clément Rosset, aborde cette question du tragique, sans que je défende les mêmes options sur le sujet. Le tragique, c’est celui qui tache de congédier, de conjurer les arrières mondes. C’est celui qui voit la mort, qui voit la douleur, l’entropie, la négativité, la souffrance.

Le philosophe tragique, c’est celui qui dit : «Tout cela est vrai, mais tout cela est faux.».

Le réel est tragique parce qu’il y a de l’inscription dans le temps, parce que nous sommes dans le temps, et que cela suppose, ce qu’en thermodynamique, on appelle de l’entropie, c'est-à-dire de l’usure, à force de fonctionner.
Un fonctionnement induit une usure, puis une disparition. C’est l’entropie.
Cela nous concerne aussi. Nous sommes marqués par l’entropie. Nous vivons, et vivre, c’est un peu mourir chaque jour, tout le temps. Et nous allons vers cette mort-là. Le tragique, c’est celui qui voit cela. Il dit :«Le réel est marqué par l’entropie. Il est marqué par la négativité. Il est marqué par la souffrance. »
Mais il ajoute : «Il n’y a pas que cela. Le monde ne se réduit pas à cela. Il y a d’autres choses aussi, dans le réel.»
Il s’agit de composer avec cela. Le tragique tache de voir le réel en face, et accepte de voir que la mort est là. On ne va quand même pas s’exciter là dessus et passer sa vie sur la mort.



Je pense que Montaigne est un philosophe tragique, il propose une sagesse tragique. Le tragique dit : « Puisque nous allons mourir, il faut l’accepter, ne pas pratiquer le déni, ne pas dire que la mort, n’est pas la mort, ou que la mort est autre chose que la mort. La mort existe. C’est la fin, la disparition, l’abolition de tout ce qui est vivant. Alors, à partir de ce soubassement, il s’agit de fabriquer une philosophie qui nous permettra de vivre en attendant.»

Cette philosophie qui permet de vivre «en attendant» est soit le démonisme ou soit l’hédonisme. Le démonisme permet d’identifier le souverain bien au bonheur alors que l’hédonisme identifie le souverain bien au plaisir.
Plaisir et bonheur ne sont pas exactement la même chose. Cela entretient une parenté. l’hédonisme est un eudémonisme plus violent. L’eudémonisme serait un hédonisme plus doux. Seule une philosophie tragique rend possible l’émergence de l’hédonisme ou de l’eudémonisme.

Ces sagesses sont d’actualité. Bouddha procède comme cela. Quand on l’a confiné dans son espace et qu’il en sort un jour, il découvre de la douleur, de la souffrance, de la misère, de la vieillesse. Il se demande : «C’est cela la vie ? Ce n’est pas possible ! »
Pour vivre avec sagesse dans cette négativité, il va fabriquer la philosophie bouddhique que nous connaissons, c'est-à-dire la libération des désirs, des pulsions, des passions, l’espèce de purification de soi pour se défaire de ce qui est soumis à l’entropie pour pouvoir viser une espèce de réunion du principe lumineux en nous avec la planète entière, qui permet le nirvana, la jouissance de la déprise de soi-même.

Cette philosophie tragique me semble être le contraire de l’optimisme des Chrétiens ou des religions quelles qu’elles soient. Les religieux sont des optimistes. Ils considèrent que qu’il y aurait une écriture de l’Histoire. Ce qu’on appelle la téléologie.
Cela me semble une philosophie à courte vue, tout comme me semblent à courtes vues, les pensées de Cioran, de Schopenhauer ou de quelques autres qui sont dans la négativité pure, et qui considèrent, à la mode gnostique, car Cioran est un gnostique, qu’il y aurait, dans ce réel, rien à attendre, parce que le monde serait la création d’un mauvais démiurge. Il n’y a donc rien à faire dans un univers dominé par le mal.

Ni optimiste, ni pessimiste, ni des gnoses de l’entropies, ni des eschatologies, des philosophies de la fin pour nous conduire vers des paradis supposé, mais une philosophie tragique.

Nietzsche est un tragique. Les stoïciens sont des tragiques. Montaigne est un tragique. Spinoza aussi. Autant d’individus qui nous disent : «Adhérer à la nécessité.»

Extrait d'un cours à l'université populaire de Caen
Ecrit par Raskolnikov, le Samedi 22 Octobre 2005, 13:05 dans la rubrique "Philosophie".


Commentaires :

  alberto
alberto
23-10-05
à 00:31

du bouc à l'agneau (pas du coq à l'âne)

Je comprends (un peu). Et je reconnais que si je n'étais pas chrétien, je serais vorace de cette littérature. Mais l'homme animé de l'esprit non chrétien arrive assez bien à s'y faire, à y déployer son intelligence, à se frayer de nombreux chemins, même au risque de s'y perdre comme dans les labyrinthes... Simplement, cet homme, s'il en reste aliéné, il ne l'avoue pas, ou il ne le sait pas. Il n'a pas d'autre choix que de combattre, combattre, combattre. Il n’a pas d’autre choix que d’habiter dans sa chair.
La vie est une tragédie. Elle est une tragédie parce que le péché habite en elle. Et si tu regardes à la loupe, tu t'aperçois que, finalement, le seul combat que l'homme fait à pour seul but de s'en débarrasser (du péché) ! Au titre individuel, chaque fois que l'on fait un péché, l'être cherche à réparer (à purifier). Et à titre collectif, c'est la même chose, les exemples ne manquent pas sur la planète...
Toute ma sympathie !

  Vinzzz
Vinzzz
09-11-05
à 14:38

L'endroit n'est peut-être pas le plus approprié mais je te passe néanmoins le relais : http://demesuredupossible.joueb.com/news/288.shtml

  Raskolnikov
Raskolnikov
13-11-05
à 22:31

Re:

Merci pour ce passage de relais. Je me presse d'y répondre.

  Anonyme
22-05-08
à 18:59

Lien croisé

Demesure - Je joue le jeu : " Réflexions momentanées - Notion de tragédie : " L'endroit n'est peut-être pas le plus approprié mais je te passe néanmoins le relais : http://demesuredupossible.joueb.com/news/288.shtml " "

  Un passant de passage
10-02-10
à 11:40

Une petite coquille

Il est écrit en deux endroit "le démonisme" au lieu de "l'eudémonisme".