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Un entraîneur qui souffre
*Je sors d’un milieu très simple. Je suis un réfugié. En 1962, j’ai quitté mon pays, l’Algérie. On m’a donné des valeurs. On m’a toujours dit d’être courtois, gentil, discret et je ne vais pas changer maintenant. Au niveau de la communication, j’ai peut-être un effort à faire. Si on considère que je manque de charisme, bon, peut-être. Mais je n’ai jamais eu de problème dans un vestiaire. J’ai beaucoup d’ambitions. Ainsi s’exprime un valeureux entraîneur de foot d’un grand club français dont les premiers résultats font polémiques. Il est nu devant un parterre de dirigeants, du président délégué au sous-sous président délégué jusqu’au jardinier de la pelouse, en passant par le représentant des supporters qui réclame déjà une ristourne sur les abonnements de l’année prochaine. Le brave homme cherche déjà à sauver sa place. Il y croit encore. Il ne veut pas se retrouver à la rue dès le mois de septembre avec des indemnités de ministre. C’est un passionné du ballon rond qui préfère regarder un match de football sur un banc de touche plutôt que devant un écran plat 165 cm avec un son polyphonique. Il y a beaucoup de frustration. On ne méritait pas ça. On avait besoin de ces trois points pour rebondir et on a le sentiment d’avoir fait ce qu’il fallait. Moi, je considère que l’on a gagné le match. C’est l’arbitre qui s’est occupé du reste. Il faut bien nommer un bouc émissaire pour atténuer la morve de déceptions qui coulent dans les travées du stade depuis le début de la saison. Le football est la seule profession où il est tout trouvé sans être obligé de se décarcasser les neurones. C’est l’homme en noir, dont les couleurs virent au jaune ces derniers temps. Comme le ballon circule de plus en plus vite sur la pelouse, et que ces deux collègues sur le bord de la touche se prennent les pieds dans le cordon de leur oreillette, il doit prendre la bonne décision en un quart de seconde. Quand on aura remplacé toute cette chair humaine inefficace par un robot japonais aussi prompt que Steve Austin, l’entraîneur n’aura qu’un solide marteau pour passer ses nerfs sur la machine. L’équipe est obligée d’avoir des faiblesses. Sur les douze derniers matches de la saison passée, elle en avait gagné un. Le parcours d’un club qui descend ! Aujourd’hui, on est dans la continuité de ce qui se faisait au printemps. Alors il faut changer les choses, mais il faut du temps. Est-ce que j’y arriverai ? On peut se poser la question. Mais on ne peut pas demander à un entraîneur de tout changer en deux mois. C’est le moment du verdict. Déjà, quelque part dans les sous-sols son remplaçant est en négociation secrète avec le milliardaire suisse qui a misé ses petites économies sur le prestige du club. Il commence à en avoir marre de sortir son carnet de chèques tous les trois mois afin de payer un nouvel entraîneur. Il voudrait un peu plus de tolérance pour le nouveau venu. Il va être obligé, si cela continue, de délocaliser quelques unes de ces usines dans un pays à faible coup de main d’œuvre afin de ne pas perdre en niveau de vie. Il fait toujours confiance à ses subalternes pour la décision finale. Le jury est ému par la sincérité de l’homme. Il souffre comme un vrai entraîneur doit souffrir. Le public aime cela. Et les médias encore plus. Il peut donc encore servir à quelque chose. Il décide d’être une dernière fois magnanime en lui donnant un nouveau sursis. Arbitre bigleux, joueur maladroit ou poteaux carrés, son destin est entre les mains de son ange gardien. *: véritable propos de Jean Fernandez, entraîneur de Marseille. Ecrit par Raskolnikov, le Mardi 30 Août 2005, 12:04 dans la rubrique "Football".
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Moi, Raskolnikov
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