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Mai 2005 : 20 articles
Avril 2005 : 25 articles
Mars 2005 : 24 articles


Vendredi (19/05/06)
Du service à reprendre
Cela n’est pas forcément simple de reprendre son joueb. Après quelques mois de silence. Parfois le personnage que l’on imagine au départ de cette aventure peut devenir un double, un ami, un confident. A l’ombre d’un lecteur quelconque, je me laisse porter vers quelques vérités et aussi élargis le trait des énormités que j’entraperçois. Un moyen moderne de se détourner du quotidien ou de l’imaginer au travers un prisme plus attrayant.

Si je n’ai pas eu l’envie de faire vivre ce site pendant ces quelques mois, c’est que tout simplement l’envie me manquait. Ma vie vient de subir un tournant que je n’imaginais pas prendre. Perdu derrière mon clavier d’ordinateur comme un révolté timoré, je n’ai pas vu venir le vent de la réalité. Je suis à nouveau sur la case départ pris dans le tourbillon des années qui passent. Cette vie de famille à laquelle j’aspirais n’est plus. Me voilà à nouveau libre comme avant mais avec l’angoisse de ne pas être à la hauteur des évènements à suivre.

Le monde professionnel dans lequel je baigne m’ennuie profondément. A bientôt quarante ans, je me sens déjà comme une bille de plomb dont on va bientôt se débarrasser. Celui qui me dirige a l’impression que je roule moins bien que la bille en verre multicolore qui vient d’arriver sur le marché. Elle est vendue pour presque rien et en plus, on peut l’envoyer très loin sans risquer de la casser.

Je consulte le marché de l’emploi et j’en laisse tomber le journal. A mesure que l’immobilier grimpe les salaires dégringolent. Quand on est qu’un petit employé, il faut s’accrocher à une branche ou bien faire des brocantes pour arrondir ses fins de mois. Je ne vais quand même pas retourné chez ma mère pour pouvoir payer mon abonnement à Francefoot?

Désormais, le cadre supérieur veut son Blacberry. Tant que tous les costumes cravates n’en disposent pas dans leur mallette, il ne faut pas demander une augmentation. Ce petit objet merveilleux permet de recevoir ces emails pendant une ballade. Et même d’y répondre. Le VIP a immédiatement une visibilité sur les événements de son entreprise en temps réel. Il sait avant tout le monde, même s’il est à la pêche le dimanche, qu’un plan social s’organise. C’est un cabinet spécialisé qui s’occupe de tout. C’est vendu clef en main. L’autre jour, j’ai croisé mon PDG. Il m’a regardé d’un drôle d’air.

Je reprends donc du service. Je suis devenu sensible aux encouragements. Merci à Alberto, Thierry, Silverhot et Cimelhia. Je me remets à l’assaut des mots
Ecrit par Raskolnikov, a 13:47 dans la rubrique "Personnel".
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Mardi (03/01/06)
Des vœux King et Kong
La journée que j’abhorre le plus dans le monde du travail, c’est bien le lendemain du Réveillon lorsqu’il s’agit de rejoindre son bureau avec l’obligation d’envoyer à chaque tête connue ses meilleurs vœux, sans le penser forcément.
Voici donc mon chemin de croix de l’hypocrisie, au sein de ma SSII, où je serre les fesses pour saluer des personnages que je ne porte pas forcément dans mon cœur.
Il existe deux parcours possibles : King et Kong.

Le premier collègue que je croise sur ma route, c’est le garde-chiourme. Celui qui arrive avant tout le monde, et qui inscrit en catimini nos horaires dans un beau tableau Excel, en couleur, de sa conception. Il est le premier à m’apercevoir en poussant un cri comme si j’étais son ami.
« Bonne année et meilleurs vœux Raskolnikov ! »

King:
« Bonne année à toi, mon collègue préféré, celui sur qui je suis sûr de compter en cas de pépin. Tu es déjà en train de taffer ?. Toi, tu veux réussir dans la vie. Cela se voit tout de suite. Tu reviens d’une formation de management ? Avec un chef comme toi, on risque d’aller loin. »
Kong :
«Très mauvaise année, gros incompétent. Espèce de lèche-cul. J’espère que tu seras viré quand le vent aura tourné. Tu as bien noté à quelle heure je suis arrivé aujourd’hui ? Et bien, fais un copier/coller sur toute la longueur de ton tableau car je ne changerais pas d’horaire !»

J’aperçois le bureau de Méphisto légèrement entrebâillé. Elle a dû m’entendre. Si je ne vais pas la saluer tout de suite, elle risque de m’envoyer sur une mission pourrie à l’autre bout de la France. Je prends mon courage à deux mains. Je tapote sur la porte et j’entre dans son bureau.

King:
« Bonne et merveilleuse année 2006 Méphisto ! Je suis vraiment heureux de vous souhaiter mes vœux. Comme vous êtes charmante aujourd’hui. Vous commencez très bien l’année. Laissez-moi vous faire la bise »
Kong :
« Je te souhaite la plus mauvaise année de ta vie. J’ai mis un cierge pendant la messe de minuit en demandant au petit Jésus de t’envoyer en enfer te rafraîchir les idées. Tu verras ce que c’est que d’être dans la merde. Tu apprendras peut-être la compassion. »

Après avoir refermé son bureau avec l’odeur de son rouge à lèvres sur les joues, je croise Victorine qui vient à son tour faire le tour du propriétaire. Elle est déjà persuadée que dans quelques semaines le bureau de Méphisto lui appartiendra.

King:
« Bonne année belle Victorine ! J’espère que tu vas assouvir toutes tes ambitions. C’est quelqu’un comme toi dont nous avons besoin pour mener à bien tous nos projets. Si toutes les femmes étaient comme toi…. »
Kong :
« Tiens, tu es là ma cochonne ? D’habitude, à cette heure-ci, tu es déjà sous le bureau du directeur commercial. Tu lui racontes ton week-end. Et il bande si mou que tu as l’impression d’avoir une escalope dans la bouche »

Justement, le directeur commercial pointe le bout de son nez. Il doit certainement être déjà en manque de sa meilleure collaboratrice. Je ne peux échapper à son regard. Il a l’air de s’être remis de son infarctus.

King:
« Bonne année monsieur le directeur commercial ! Et bonne santé, surtout, car sans une bonne santé, on ne peut pas avancer. Et nous comptons sur vous pour nous rapporter plein de contrats. »
Kong :
« Salut le mort-vivant ! A quoi ressemble l’autre rive ? Tes ressorts tiennent-ils toujours en place ? Attention de ne pas trop te pencher, tu risques de perdre de l’huile ! »

Je pense en avoir fini avec mes tribulations ridicules. Je décide d’aller prendre un café pour me remettre de mes émotions. Avec un peu de chance, je pourrais rencontrer quelqu’un à qui envoyer des vœux vraiment sincères.
Je suis en train de touiller tranquillement dans le gobelet pour dissiper l’arôme lyophilisé quand surgit le Président !
Une petite goutte de sueur dégringole immédiatement de mon front. Mes mains tremblent légèrement.

King:
« Meilleurs vœux, monsieur le Président ! Que cette année apporte à notre entreprise succès et prospérités ! »
Kong :
« T’as encore changé de Jaguar, enfoiré ! Et les augmentations sont rayées du règlement de l’entreprise ? J’espère que l’inspection du travail va te tomber dessus et que tu vas te prendre une amende record. Crois moi, ça marche aussi le capitalisme à visage humain ».

Il disparaît aussi vite qu’il était apparu.
Je bois une gorgée de café. Je me sens si bien. Je viens de déglutir toute ma verve d’employé modèle. Vivement l’année prochaine que je recommence une tournée.

Ecrit par Raskolnikov, a 17:36 dans la rubrique "Vie professionnelle".
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Lundi (02/01/06)
Le Réveillon dans les seins de Yolande
Mr Morin n’est pas protocole. Il se moque du passage dans la nouvelle année. Il n’a aucun vœux à formuler, et encore moins des regrets à dissiper dans l’allégresse de la saint Sylvestre.
Il ne lèvera aucune coupe de champagne quand sonneront les douze coups de minuit. Encore moins embrasser les deux joues d’un quidam en arborant un sourire niais. Son seul besoin est de passer une soirée au calme, devant son téléviseur, avec un plateau repas gastronomique.

Il s’est offert un Vosne-Romanée 1999 à déguster verre par verre jusqu’à la limite de l’ivresse. Il n’en abusera pas. Idée d’attiser un peu ses papilles, laisser un repère olfactif dans ses narines. Passer un moment raffiné à l’écart du monde. Se souvenir que le temps avance inéluctablement.

Il n’y a rien à la télé. Les animateurs millionnaires se donnent encore en spectacle. Leur ego est si développé qu’ils sont persuadés que la ménagère de moins de cinquante ans a une pensée pour eux en dégustant du foie gras. Leur sourire a l’air encore plus faux-cul que d’habitude. C’est plus flagrant en coupant le son.
Mr Morin zappe immédiatement.

Il se souvient avoir enregistré la veille sur son vieux magnétoscope un film avec Katherine Hepburn. Il adore cette actrice. Il l’a trouve particulièrement sexy, dans le noir et blanc des images. C’est la femme dont il a toujours rêvé de rencontrer. Il aurait été heureux avec une femme de ce tempérament. A ses pieds comme un gros nounours.

Il enclenche la cassette et le film démarre. Ce n’est pas Katherine Hepburn qui apparaît sur l’écran, mais Yolande Moreau, en couleurs. Il a dû se tromper. Il ne quitte pourtant pas son canapé, et laisse le hasard se dérouler. L’actrice belge sortie de l’univers des Deschiens n’est pas si moche que cela. Elle a des beaux yeux bleus et des formes sur lesquelles il doit être agréable de se reposer.

Mr Morin suit ses aventures sur des routes du Nord en compagnie d’un bon gars dont elle tombe amoureuse. Il se rappelle vaguement d’une histoire de ce genre dont il a été le héros, mais n’a pas eu le culot d’aller au bout de son désir.

Quand ses seins apparaissent sur l’écran, il laisse tomber le toast de saumon qu’il s’apprêtait à avaler. Il reste muet comme un évêque qui aperçoit l’ombre du pape. « Mais ils sont beaux ! » s’écrit-il dans la pénombre de son appartement modeste. Il ne pensait pas que la dame les dévoilerait ce soir. Il avait désormais une anecdote à raconter si on s’avisait à lui demander des détails sur sa soirée du Réveillon.

Il est déjà vingt-deux heures. Il ne veut pas se coucher tard. Il est persuadé que ses rêves seront plus beaux qu’à l’accoutumée en tombant dans les bras de Morphée, maintenant. Tandis qu’une myriade de ses semblables poursuivent leur festin en arrosant leur entourage des meilleures intentions, lui, dans son subconscient, va toucher les étoiles avec des elfes, des fées, des pixies…et Yolande Il aura plein de vrais amis autour de lui.

Vers six heures du matin, il reprendra ses esprits bien terrestres, en 2006... Il entendra les fêtards titubants sur le bitume. Certains chanteront encore leur bonheur d’être souls. Il fera bien attention de ne pas se cogner contre l’un d’eux quand il commencera son footing. Il adore courir quand l’aube survient. Aucune voiture à l’horizon ou presque. Le chant des oiseaux en sourdine. Solitaire devant les premiers rayons de soleil. Il pensera aux seins de Yolande.

Ecrit par Raskolnikov, a 18:43 dans la rubrique "Vagabondages".
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Samedi (31/12/05)
A cet ami qui reprend son envol
En ce jour de la saint Sylvestre où nous basculons dans une nouvelle année, j’ai une pensée pour cet ami qui décolle aujourd'hui pour une nouvelle direction. Il a décidé de quitter la France, celle du couple Chirac et des syndicats corporatistes, pour aller conquérir un nouveau monde, ou une nouvelle vie. Dans le royaume de Siam. Il paraît que les femmes y sont les plus grandes amantes du monde. Elle daigne bien vous trouver beau, surtout si votre allure est occidentale et que quelques billets sortent de vos poches. Elles se donnent totalement au touriste de passage pour une nuit confortable dans un hôtel avec douche individuelle. Même si l’éjaculation est précoce.
Attention, les vraies filles du pays, celles qui vivent encore chez leurs parents, ne confient pas comme cela leur virginité au premier occidental venu.

Mais ce n’est pas pour cela qu’il vient de faire ses bagages. On n’abandonne pas tout pour de vagues satisfactions sexuelles. Il se fera bien faire quelques séances de body massage de temps en temps. Histoire de profiter des coutumes locales. Il part à la recherche du bonheur! Car, à quarante ans, il ne l’a pas encore trouvé.



Quelques années en arrière, il tenta la première fois sa chance aux Etats-Unis. Il s’est installé à Seattle avec son accent français, et un gros appétit de l’American Life. Il est devenu chauffeur de taxi, bilingue d'occasion, s’est marié, a divorcé, pour finalement revenir à la case départ avec un goût d'inachevé.

Il a acheté un appartement, a trouvé rapidement du boulot, a séduit quelques femmes sur internet, mais n’est pas tombé amoureux. Il s'est rapidement lassé de cette vie en stationnement où il faut compter les jours jusqu'à une hypothétique retraite.

C’est à ce moment-là que je l’ai rencontré. Je me souviens très bien de notre rencontre. Je devais le remplacer temporairement au sein d’une grande banque dont les nombreuses tours dominent la Défense. Je suis arrivé sur les talons dans ce bureau du vingt-troisième étage, réservé aux externes. Nous officions en tant que valets informatiques. C'est-à-dire qu’au premier coup de fil, il fallait partir à toute vitesse en direction du bureau en alarme, pour réaliser une intervention éclaire. Cela pouvait être le tri de la messagerie du DRH comptant et recomptant ses stocks option, au rebranchement de l’imprimante de la secrétaire stressée qui veut tout jeter par la fenêtre. Quelque soit la tâche réclamée, nous devions garder le sourire bien en évidence entre les oreilles.

Si par malheur, nous croisions la Kapo de service sans la saluer dans les larges couloirs des nombreux étages, notre tête était déposée sur le billot sans aucun tribunal. En un coup de fil, nous redescendions au RDC avec l’obligation de remettre notre badge aux vigiles, en baissant la tête.
C’est ce qui nous arriva très rapidement. Nous n'avions pas vraiment eu le temps de sympathiser. Une grande perche ambitieuse nous devança en enclenchant le processus de notre éjection. Nous fûmes envoyés au purgatoire dans l'open space de notre SSII. C'est vraiment-là que notre amitié démarra.

Nous nous retrouvâmes quelques semaines plus tard à Tours, dans une de ses missions ingrates qui vous font regretter d’avoir rater l’école. Méphisto m’avait envoyé en renfort d'une équipe dépassée par la configuration architecturale des lieux. Un immeuble à l'ancienne, en plein centre ville, avec de nombreux petits escaliers étroits, et tout un tas d’utilisateurs à dénicher dans les recoins. Il n'était pas vraiment un acharné du tréteau. Plutôt une espèce de Pierrot lunaire qui s’ennuie dans ce monde à la rentabilité immédiate. Parfois, il disparaissait de la chaîne de travail, et je devais me débrouiller sans ses conseils avisés. Il allait mirer quelques belles demoiselles de la Touraine avec l'espoir d'en retenir l'attention d'une seule.

Le soir, au pied de notre chambre d'hôtel, nous nous retrouvions pour partager notre dîner, et même boire une bière tardivement dans un pub à la mode. C'est le meilleur endroit pour converser, faire connaissance, se libérer des carcans du quotidien. J’ai tout de suite remarqué que c’était un électron libre, un homme en quête de sens, cultivé et ne demandant qu’à être heureux.

Le monde du travail n’étant plus un lieu de villégiature, il finit par se moquer de la routine salariale. Il fit en sorte de «manquer de respect» à Méphisto en refusant systématiquement chacune des missions que la bougresse lui proposait. Elle lui concocta sans remords un motif de licenciement.

Le voilà, à nouveau nu, hors du monde du travail. C’est le moment de s’enfuir, à nouveau. Il faut retenter une aventure. Il doit bien exister quelque part sur cette terre un monde où on peut vivre tranquillement.

Il va devenir prof d’anglais à Bangkok. Son intégration dans la société thaïe n’est pas gagnée d’avance, mais sa motivation reste intacte. Il sait désormais qu’il ne veut plus cette vie imbécile dans laquelle le salarié est un rouage sur l’échelle de l’enrichissement du plus petit nombre.

Les difficultés qui l'attendent sont énormes. Tout ne sera pas rose comme les décriptions des guides touristiques. Il va connaître la solitude, le découragement, l'ennui. Mais avec l'impression de vivre hors des sentiers battus, une nouvelle existence avec des désirs plein la tête.

Bon envol Eloi.
Ecrit par Raskolnikov, a 11:42 dans la rubrique "Personnel".
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Mardi (27/12/05)
Un soir de Noêl, rue de la Gaieté
Ma nuit de Noël se déroule, cette année, dans la rue de la Gaieté, à Paris. En compagnie de ma mère, nous nous sommes donnés rendez-vous dans une salle de théâtre de prestige. La rue de la Gaieté est une petite rue près de Montparnasse aux caractéristiques très réglementées. On y trouve soit un théâtre, soit un restaurant japonais, soit un sex-shop. Le parisien, après son spectacle a tout loisir d’aller déguster une paire de sushis et finir avec un bon DVD d’éjaculations faciales, sous les aisselles, discrètement. Il peut passer en toute liberté, des joies de l’esprit, à celles du ventre, et enfin du bas-ventre, mais seul dans une cabine, ou dans son appartement. Même le soir de Noël, les anges ont un sexe.

Comme nous sommes en avance, nous faisons un petit tour dans ce quartier très parisien. Et quelques pas plus tard, nous nous retrouvons nez à nez avec la troupe qui dans quelques minutes va nous faire sa représentation. Je reconnais son acteur principal, arborant une casquette prolétarienne. A 76 ans, il a encore belle allure. Je découvre, ébouriffés, ses cheveux gris dévalant ses tempes. Sa douce voix reste en sourdine. Je me heurte avec le regard très cavalier d'une actrice. Une femme d’âge mur dont la silhouette est encore séduisante. Nous passons notre chemin, éblouis.



Dans le théâtre, nous occupons le troisième rang, à quelques coudées de la scène, dans cette petite salle de spectacle où prennent place des spectateurs sages et endimanchés. La moyenne d’âge dépasse aisément la cinquantaine. Beaucoup de vieilles peaux usées, mais saupoudrées d’anti-cernes. Des couples aussi, qui ne veulent pas manger leur saumon fumé devant la télé du prime time. Mais durant la messe de minuit, quand le nouveau pape lèvera son regard en direction des caméras pour jurer en finir avec le spectre de la misère.

Tout d’un coup, un coup de sonnette nous met sur nos gardes. Il faut arrêter de papoter ou de lire le programme vendu 13€ par une charmante ouvreuse. Le rideau rouge se lève, et des images en noir et blanc défilent sur un grand écran improvisé. Je les regarde comme un plan d’Orson Welles. Dans des yeux minuscules qui contemplent un géant. On y aperçoit, presque subliminalement, des visages d’enfants heureux. De l’eau où ils barbotent nus. Une musique vivaldienne nous entraîne dans l’atmosphère. La scène nous apparaît enfin avec Claude Rich allongé sur une table. La femme mûre au visage coquin le rejoint.

Deux heures plus tard,le personnage principal, un philosophe, dont il s’agit de revivre la fin tragique, étrangle sa femme.
Une pièce tirée des confessions de Louis Althusser : L’avenir dure longtemps, à lire impérativement.
Elle l’a bien cherché, la bougresse. On ne titille pas indéfectiblement un homme de cette sensibilité-là sans châtiment. Elle l’aime, mais lui a décidé de s’en retourner dans son for intérieur. Là où personne ne peut venir lui casser les couilles. Alors, il tue le seul être qui peut encore le sauver de l’autodestruction.

Nous retrouvons la rue de la Gaieté, plus sombre et plus silencieuse que nous l’avons quittée. Les théâtres viennent d’éteindre leurs feux. On débarrasse les dernières tables nippones. Des visiteurs d’occasion passent leur visage à travers le portail opaque des boutiques à plaisirs. Des mendiants osent encore tendre leur sébile. Nous apercevons un homme seul, avec un bagage à ses pieds. Il a bu, car il jargonne sans compréhension. On dirait qu’il est descendu d’un train ce soir, à Paris. Il n’a nul sapin où se terrer. Que la solitude du froid.
Ecrit par Raskolnikov, a 11:40 dans la rubrique "Vagabondages".
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Samedi (24/12/05)
Qu’est-ce que c’est con Noël quand on n’est plus un enfant
J’en reviens tout juste, des magasins. Après voir fait sonner mon réveil à 09h00. Je voulais éviter la cohue des retardataires. Ceux qui attendent la dernière minute pour acheter les obligatoires cadeaux. Mais pourquoi font-ils comme moi ? Ils repoussent jusqu’à l’ultime jour cette séance dépensière. Acheter n’importe quoi en espérant que cela fasse plaisir. Ne pas avoir l’air idiot devant la dinde aux marrons pendant la distribution. Espérer ne pas passer pour un pingre aux yeux de la famille. Faire semblant d’être généreux dans un monde de plus en plus égoïste. Si cela ne tenait qu’à moi, je serai resté dans mon antre en éteignant les lumières à dix heures.

A la sempiternelle question de ma femme pour savoir ce qui me ferait plaisir, je lui ai répondu le plus vite que j’ai pu : « Des slips et des chaussettes ! » J’en ai assez de mes vieux sous-vêtements. Je veux du neuf. Du design. Si je trouve maîtresse l’année prochaine, je souhaite qu’elle me découvre soigneux et à la mode, avant le coït. J’ai évité de lui retourner sa question. Pas besoin de détail. La dame en veut toujours plus. Plus de bijoux, plus de parfums, plus de gadgets électroniques. Je n’ai que l’embarras de mon porte-monnaie. De toute façon, quelque soit la vétille que je vais déposer sous le sapin à son intention, la donzelle me quittera cette année.

Ma mère, elle, ne veut rien. Elle ne porte jamais de clinquants, ne se parfume qu’avec modération, et déteste les objets qu’il faut faire fonctionner avec une télécommande. J’eus pensé cinq minutes à lui offrir un décodeur pour la TNT, mais en regardant de plus près les programmes des nouvelles chaînes gratuites, je n’ai rien trouvé qui puisse la capter devant la télévision. Alors, je me suis résigné sur un livre. Cela lui fera passer quelques heures dans sa chaise longue. Elle rêvera quelques minutes. Elle pensera à son fils lequel, décidemment, manque cruellement d’imagination.

Noël ne trouve grâce qu’aux enfants. Il faut être encore un enfant pour apprécier à sa juste valeur cet annuel cérémonial. Une pause, ou presque, dans la confusion du monde. Un espoir bienheureux de lucidité. Un échange d’amour éternel. Le cadeau que l’on reçoit ou que l’on donne est le signe du bonheur. Le monde n’apparaît plus aussi compliqué. Il y a de la place pour tous les êtres humains. Je suis vivant car je crois à la sincérité des grandes personnes qui m’entourent.

Je me force donc à faire plaisir ce jour-là. Pour ne pas être totalement en marge des us et coutumes. Je joue le jeu autour d’une bonne table et je lève mon verre à la santé du petit Jésus. S’il avait su en naissant, qu’il finirait en lévitation au-dessus d’un tombeau, aurait-il accepté de supporter cette lourde tâche d’être le fils du Seigneur ? Il aurait voulu vivre comme tous ses semblables, heureux jusqu’à la mort. Et nous n’aurions pas à le célébrer en s’empiffrant de marchandises bon marché.
Ecrit par Raskolnikov, a 16:14 dans la rubrique "Personnel".
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Mardi (20/12/05)
Où est mon PC?
A mes deux plus fidèles lecteurs, «ils se reconnaîtront», je dois quelques explications sur le mutisme de ce blog depuis plusieurs semaines. Je devine que vous êtes en manque de mes aventures, que vous vous faîtes un sang d’encre en imaginant le pire. Mais je vous rassure : Je n’abandonne pas la partie, à l’instar d’Olivia qui vient de conclure la sienne.

Je vais me remettre à l’œuvre aussitôt que mon cerveau aura repris une température normale.

Car, comme je le laisse entendre dans mon dernier article, j’ai toujours la pâte à neurones comme un plat cuisiné après son passage dans le four micro-ondes. Je peux faire cuir un œuf sur mon crâne dégarni tant il est en surchauffe depuis que j’ai commencé ma mission informatique dans l’enceinte d’un grand constructeur japonais, dont le siège social se trouve à Clichy.

Je n’y passe pourtant pas le temps à tenter de définir une nouvelle équation la loi de la relativité. Je ne me creuse pas la tête afin de mettre en route un concept technologique pour mettre en branle l’empire de Bill Gates. Je ne traduis pas huit heures durant un texte en hiéroglyphes afin de le rendre lisible dans la langue de Pascal. Non ! Rien de cela.
Je me contente de répondre à une question sommaire : «Où est mon PC ? »

Après une heure et demi dans les transports en commun, le lecteur Mp3 sur les oreilles, et un peu de lucidité pour ne pas me tromper de train, à l’instant même où je viens de franchir le seuil de l’enceinte de la multinationale et escaladé les quelques marches me menant dans le bureau que l’on m’a prêté, je deviens une antilope traversant une plaine de hautes broussailles. Un prédateur peut jaillir à tout moment dans mes pattes et me dévorer en trois crocs.

Je n’ai même pas eu le temps d’allumer mon ordinateur qu’il surgit déjà, l’homo ordinatus. On le reconnaît. Il pousse un cri irrémédiable : «Où est mon PC ?»,

Son PC, c’est un laptop, c'est-à-dire un portable. Un ordinateur qui donne un certain aura quand on l’utilise sur ses genoux, dans un lieu public.
Ils en possèdent pratiquement tous, ici, car la plupart ont un statut de directeur, même s’ils fréquentent le bas de la pyramide.
Ils portent la cravate sérieuse, et n’ont pas de temps à perdre avec un sous-traitant dans mon genre. Il faut donc que je trouve la parade pour les tenir éloigner de ma tendre peau.
«Je vais me renseigner !» est ma réplique d’autodéfense.

J’abandonne le quidam directeur et je descends illico les escaliers en direction de la salle de migration où des collègues se relaient en travaillant 24h sur 24. Avec un peu de malice, j’eusse pu simplement leur passer un coup de fil, mais je préfère opter pour le contact physique, car cela me permet de m’extraire du champ d’observation de l’homo ordinatus. Je me relaxe en retrouvant les miens.

J’en profite pour prendre un café, tailler une petite bavette sur le match de la veille, faire quelques blagues sur les dernières élucubrations de Méphisto. Et, c’est seulement après cette mise en marche, que je pose la question fatidique : «Où est son PC» ?
« Il n’est pas prêt ! », est la lancinante réponse de mon semblable.
Quelques minutes plus tard, je remonte les marches emportant sur mes épaules la triste nouvelle.

Il remarque tout de suite que j’ai les mains vides. Il se prépare donc psychologiquement au choc de mon annonce.
«Votre PC ne sera prêt qu’en début d’après-midi». Et là, il me jette un regard d’une telle noirceur que mes jambes se dérobent dans mon pantalon. Je tremble d’avance de sa furie. Il quitte la pièce aussi vite qu’il y était entré en criant qu’il irait se plaindre à sa hiérarchie.

Ouf ! Je suis à nouveau seul. La mire Windows apparaît enfin sur la mire de mon écran d’ordinateur. Je vais pouvoir lire mes emails ou surfer cinq minutes sur le net pour savoir si Liverpool a encore gagné son match.
Quand, un nouveau prédateur me fait face…
«Où est mon PC ? »

Je descends une seconde fois les marches. Je prends un deuxième café. Je lis quelques lignes du journal gratuit abandonné par un de mes collègues. Comme je ne trouve pas le résultat de Liverpool, je demande si quelqu’un est au courant du score. Et comme, je suis le seul vrai supporter des Reds, je remonte en direction de mon arène.

«Votre PC ne sera prêt qu’en début d’après-midi ». J’encaisse mon deuxième regard noir. J’essaie de garder une contenance humaine devant tant d’abjections.

Quelques regards noirs plus tard, je peux enfin lire mes emails. Ce sont des messages des Homo ordinatus qui sont venus me voir ce matin. Ils demandent tous en chœur, dans l’intitulé :«Où est mon PC ? ». Je n’aurais pas le temps de surfer sur le net. Je leurs réponds à l’aide d’un copier/coller. Cela apaisera leur haine quelques heures.

Il m’arrive, toutefois, de temps en temps de rendre immédiatement un PC. Quand l’Homo ordinatus est une femme, par exemple. L’autre jour, j’ai remonté à toutes vitesse les escaliers avec le PC d’une blonde à gros seins. J’avais hâte de m’installer près d’elle pour faire le point dans son décolleté, sur son nouvel environnement informatique. Je l’ai priée de s’asseoir à mes côtés, très frénétiquement. J’ai appuyé sur le bouton Marche/Arrêt… Nenni.

J’ai souris à ma convive, à l’instar d’un hidalgo qui contrôle la situation. J’ai débranché et rebranché tous les fils, et remis la sauce… Nenni., itou.
Quelques gouttes de sueur plus tard, j’expliquai à la blonde aux gros seins de ne pas s’impatienter. Je me précipitai en courant avec son matériel sous le bras pour appeler à l’aide auprès d’un collègue plus futé que moi.
Rien à faire. Le PC venait de rendre l’âme. Il fallait lui ouvrir les entrailles afin de détecter quelle partie vitale venait de clamecer.
Je retrouvais ma blonde aux gros seins. Et la queue entre les jambes, je lui fis le récit de cette incroyable panne qui allait la priver d’une grosse partie de la journée de son outil de travail. Elle ne pourrait plus lire les emails de ses amants avant longtemps. J’encaissai son regard noir de menthe religieuse.

Il ne faut pas de louper quand l’Homo ordinatus est un VIP. C’est indiqué sur la fiche qui accompagne son PC. Dès qu’il entre en scène, je ne peux pas me contenter d’une réponse approximative. Il faut que je sois prompt à lui donner satisfaction. Je dois lui passer la brosse à reluire sans une égratignure.
On reconnaît un VIP à sa configuration. Il possède un PC dernier cri avec toutes les options. Il n’utilise généralement que sa messagerie. Il a délégué l’utilité des autres fonctions à ses subalternes qui tricotent avec du matériel ancien les chiffres qu’il réclame.

Il faut lui synchroniser au moins trois PDA et quatre téléphone GPS. Où qu’il soit dans le monde, il est impératif qu’il reçoive les toutes dernières informations de l’entreprise. Même dans le désert saharien, il doit être le premier à être avisé d’une promotion ou d’un licenciement. Cela est déterminant pour le rendement de ses stocks-option.
Généralement, son PC est toujours prêt. Et il signe comme un monarque sa satisfaction de notre service.

Et puis, il y a l’intrépide, le désaxé, le névrosé, celui que la femme torture à la maison. Pour lui, tout est un drame et ne peut se régler que dans l’éclat. Il ne digère aucune de mes formules toutes faites. Il réclame immédiatement satisfaction. Il donne un coup contre la porte. Il s’esclaffe en me racontant l’importance de son travail dans la société. Il m’appelle toutes les cinq minutes pour me relancer. Il envoie sa secrétaire stagiaire en guise de motivation. Il fait tout son possible pour me donner mauvaise conscience.
Alors, las du combat d’arrière-garde, je finis par lui apporter ce qu’il réclame. Il a gagné la partie, au détriment des Homo ordinatus plus sages.

Cette joute professionnelle est mon lot quotidien. Quand je crois tenir une seconde de repos, c’est le téléphone qui sonne. Au bout de la ligne Méphisto qui me réclame des statistiques pour facturer notre client. Plutôt que de me réconforter de l’hardiesse de mes efforts, elle enfonce le clou en me posant tout un tas de questions sur les dysfonctionnements qui lui sont remontés jusqu’à ses petites oreilles. Je m’incline une nouvelle fois comme un laquais devant son supérieur. Comment lui faire comprendre que si nous sommes en sous-effectifs, c’est uniquement pour proposer une prestation peu chère à la clientèle.

A la fin de la journée, quand vient sonner l’heure de la sortie, je retrouve un peu de dignité humaine. Je me sens ressusciter. Je vais pouvoir enfin quitter toute cette mascarade pour faire ce que bon me semble. Plus besoin de courber l’échine ou faire semblant d’aimer son travail. Je vais pouvoir écouter Luis Attaque, où Philippe Auclair nous parlera du match de Liverpool.
Ma femme pourra bien m’engueuler, je mettrais les pieds sous la table en attendant la soupe. Mon cerveau boue encore, mais c’est un cerveau libre.
Ecrit par Raskolnikov, a 15:25 dans la rubrique "Vie professionnelle".
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Dimanche (20/11/05)
Hard job


Jusqu’à présent, je me plaignais de mon inactivité professionnelle, relégué dans un open space devant un ordinateur anonyme pour surfer sur le web en attendant l’heure de la sortie. Après une période d’adaptation difficile, je réussis à extraire quelques points positifs en m’organisant avec les moyens du bord. Ce blog est né de ces grands moments de liberté que la providence professionnelle m’offrit. J’en profitais aussi pour prendre du recul à l’orée de mes 40 ans. Réfléchir sur l’amont et l’aval. Ce qui s’est passé dans la première partie de ma vie, et ce qui se passera sans doute dans la deuxième moitié. Voir à quel point la vie devient ennuyeuse même en compagnie des gens que l’on aime. Heureusement que quelques fois les événements précipitent l’inéluctable. Il n’y a pas de hasard dans une existence de pacotille. Ce qui doit arriver survient même si cela fait mal au cœur. Comme cela je rencontrerai moins de regrets au moment de faire le bilan devant St Pierre, s’il daigne bien me recevoir dans son vestibule.

Depuis bientôt quatre semaines, je travaille comme une bête. Plus une seconde, cette fois-ci, pour des plongées existentielles. Il faut se lever aux aurores, prendre le train bondé à l’heure de pointe, courir entre deux stations pour arriver à l’heure, et se mettre au service de son client avec la plus grande des bouches bées.

Je participe au déploiement informatique d’une grosse entreprise nipponne. Malgré un plan social en vue en son sein, tous les PC traînant dans les recoins doivent migrer dans un environnement à la sauce XP. Cela apparaît, à première vue, d’une simplicité théâtrale. Or, le cahier des charges imposé d’Angleterre alourdit sensiblement l'ouvrage. Il faut toute une nuit de travail pour réaliser l’ensemble des opérations. Nous sommes organisés comme une chaîne de montage en pleine production. Les trois huit dans une salle informatique. Pour utiliser un vocabulaire de circonstance, nous appelons cela un Shift. Le Shift 1 commence à 08h00 jusqu’à 16h00. Le Shift 2 poursuit jusqu’à minuit. Et le Shift 3 passe la nuit au chaud pour passer le relais à l'équipe du jour. Chaque poste reste sur le banc de migration environ 7 heures. Je ne rentrerais pas dans les détails techniques, mais c’est déjà un exploit que de respecter ce délai. Cela signifie que c’est par vague de 20 postes par jour que nous progressons. Nous finirons à Noël avec un peu de chance.

J’ai un rôle un peu bancal. Un espèce de coordinateur. Pour être plus clair, je sélectionne sur mesure les utilisateurs qui rendront leur poste avant de partir chez eux. Je dois les appeler un par un pour faire avec eux l’inventaire de leur outil. En même temps, je dois tenir les comptes en informant en temps réel mon donneur d’ordre, car je ne suis qu’un sous-traitant. Je dois aussi répondre aux sollicitations de Mephisto, mon chef de projet, c'est-à-dire ma responsable hiérarchique qui calcule en un éclair de psychotropes le rapport jour-homme qu’elle facturera derrière. Je me dois aussi d’une grande disponibilité auprès des utilisateurs qui se plaignent parfois de ne pas retrouver exactement leur configuration d'origine. Je dois me transformer en assistante sociale pour les rassurer, ou en commercial pour les obliger à me signer leur fiche de recette quand ils commencent à hésiter. Sans compter quelques interlocuteurs anglophones à qui il faut de temps en temps tenir la conversation pour ne pas passer pour un ours. Utiliser la langue de Shakespeare, pourquoi pas, mais à bon escient. J’ai sympathisé avec un londonien grand supporter de Liverpool. Nous n’arrêtons pas de parler foot. C’est drôle comme c’est facile de manier une langue étrangère quand il s’agit de faire partager sa passion. Il aurait voulu que nous allions voir Lille-Manchester au stade de France. Mais je refusai avec politesse l’invitation, car ce jour-là, j’étais chaussé de pompes neuves qui me martyrisaient les orteils.

Bref, quand sonne l’heure de la fin de journée, sur le pavé qui me conduit dans ma bouche de métro, j’ai le cerveau en capilotade. Je sens la matière grise bouillonner dans ma boîte cranienne. J’ai peine à suivre un débat sur la tactique de l’équipe de France de football en vue de la coupe du monde, en direct de mon lecteur Mp3. Je franchis les escaliers de mon immeuble en me tordant le cou. Aussitôt la porte de mon appartement franchie, je tombe sans résistance dans le canapé. Je m’endors très rapidement. Car je veux être en forme pour le lendemain.
Ecrit par Raskolnikov, a 18:34 dans la rubrique "Vie professionnelle".
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Dimanche (13/11/05)
Mon week-end foot chez un maître bloggeur


Je suis dans le TGV de 15h47 qui roule pour deux heures jusqu’au centre de Paris. Il vient de s'arrêter à Part-dieu. Mon séjour dans la capitale des Gaules est déjà terminé.

L’un des plus grands bloggeurs de France m'a invité, il y a quelques jours, à partager son intimité le temps d'un week-end.

En panne d’inspiration, peut-être aussi en délicatesse avec mes envies de citoyen depuis que je travaille comme un forçat, je l’ai contacté de toute urgence pour en appeler à son bon sens, et surtout à son côté pratique qui lui permet d’accrocher en instantané parfois dix lecteurs sur sa page web.

Il a tout de suite dit Oui. Il m’a même encouragé d’emmener dans mes bagages un ami qui projetterait de s’aventurer dans le monde merveilleux du blog.

Je choisis Philippe, un allemand passionné de foot, qui ne sait pas très bien mettre en valeur ses lubies. Il ambitionne de créer un réseau de semblables avec qui il ne se sentirait plus comme un imbécile. Il était aussi excité que moi quand nous avons posé un pied en gare de Lyon Perrache ce vendredi soir.

La sommité est apparue sur le quai, à l’ombre d’un éclairage défectueux, chaussée d’une casquette très hollywoodienne. Il nous a tout de suite reconnu sans que nous fûmes obligés de sortir nos bonnets jaunes en guise de reconnaissance.

Nous le suivîmes dans le vieux Lyon et déposâmes nos sacs de voyage dans son antre, rue St Jean. Une foule, en continue, se bousculait sur le pavé des rues piétonnes, malgré le couvre-feu et les innombrables carcasses de voiture calcinées décrites dans le journal télévisé. Nous ne rencontrâmes aucun fourgon de CRS, même pas une petite racaille de seconde zone. Tout le monde ici semblait propre sur lui et tout en béatitude.

Son antre est une de ces anciennes battisses alambiquées de rose que les touristes photographient à foison. Il faut gravir quatre étages bien escarpés pour arriver au sommet, dans le silence d'un appartement reclus mais ouvert sur la vie environnante. Par une fenêtre, on aperçoit dans l’horizon la basilique de Fourvière éclairée divinement. Par une autre, les berges de la Saône d’où ce dresse le « pont qui bouge », comme le surnomment les passants qui le traversent tous les jours. Plus bas, les petits bouchons font le régal des convives. Avec un peu d’adresse, on peut même réussir à cracher dans une assiette.

C’est dans l’une de ces bonnes tables que nous passâmes notre première soirée. Nous relâchâmes toute commodité pour s’épancher comme de vieux amis âpres à la nostalgie. Plusieurs verres de St Amour plus loin, de la charcuterie lourde dans le ventre, et une gnôle locale dont une bouteille à moitié pleine vient d’être abandonnée par la serveuse à proximité de nos envies, et nous étions définitivement en fusion.

Vers deux heures du matin, nous remontâmes en chantant dans les escaliers escarpées comme des ivrognes qui s'assument.

Le lendemain, il faut passer aux choses sérieuses. Après un tour en ville pour s'aérer les cheveux, le célèbre bloggeur démarra son cours magistral. Il se mit en quête de trouver un nom adapté au tempérament de mon compagnon. Zibroutch. Pourquoi un tel nom ? Il faut le demander à mon maître bloggeur. En tout cas, cela sied si bien à Philippe qu’il entreprit immédiatement la rédaction d’ un premier article. Il désirait ardemment livrer son impression sur le match du soir opposant notre équipe "blacks, blancs, beurs", à sa Nationalmannschaft. Il craignait une déculottée. Je le rassurai sur la forme actuelle de nos champions millionnaires. Domenech vient d’ailleurs de nous le rappeler : "On a une équipe où tout le monde fait ce qu'il a à faire quand il faut le faire, ce qui permet de faire ce qu'on a fait."

C’est alors que me survint une idée pendant que maître bloggeur faisait bouillir de l’eau pour la tisane de cinq heures. Je téléchargeai PPlive et l’installai sur le portable à notre disposition. Je lançai l’application et nous nous retrouvâmes en direct de Genève pour suivre le match amical entre Anglais et Argentins. Toute notre attention fut accaparée par ce sommet footballistique. Même maître bloggeur négligea d’aller consulter les statistiques de fréquentation de son blog. Les commentaires en mandarin nous faisaient éclatés de rire toutes les cinq minutes. Après la tisane, on se servit de la Vodka.

Quand Owen porta le coup de grâce aux Argentins, nous prîmes la direction du premier pub venu pour suivre dans le confort d’un grand écran l’autre grands matchs que nous attendions avec impatience. Nous fûmes servis en pintes de Guinness par une grande anglaise délurée qui portait les bottes d’Emma Peel. Notre maître bloggeur fixa une grosse partie de sa concentration sur le postérieur de trois allemandes qui encourageaient leurs compatriotes avec ferveur. A la moindre occasion de but, des clameurs faisaient clinquer les verres vides qui traînaient ici et là. Pour aller pisser, il fallait prendre son tour en entrouvrant la porte des toilettes pour ne pas rater une miette du fabuleux match.

Mais ce fut un résultat nul. Alors, pour ne pas en rester-là, notre maître bloggeur nous proposa une partie de pates accordée à une sauce dont il détient le secret. Nous aurions pu oser inviter les trois allemandes, mais blog oblige, nous décidâmes d’un commun accord de rester entre cyber-communiquants.

J’ai toutes les peines du monde à me rappeler la suite. Et le train vient de ralentir sa cadence grande vitesse. La région parisienne envahit progressivement le décor. Nous sommes pratiquement arrivés à destination. Ces deux jours sont passés comme un jet de lumière dans ma mémoire dérangée. Et je ne sais toujours pas de quelle nature sera mon prochain article.
Ecrit par Raskolnikov, a 22:04 dans la rubrique "Football".
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Samedi (22/10/05)
Notion de tragédie
--> par Michel Onfray
L’étymologie de tragédie suppose que l’on sacrifie le bouc. Cela renvoie au théâtre grec qui suppose la purification, la catharsis.
Il y a, dans le temple de Delphes, un oratoire consacré à Esculape, le dieu de la médecine, où on pratique une médecine extraordinaire. On sacrifie des animaux, les fameux boucs, et d’autres animaux aussi. On dépèce ces animaux. On met les peaux dans des pièces et les gens, qui viennent pour se faire soigner, dorment dans ces pièces sur les peaux des animaux sacrifiés. Il y a des cérémonies bachiques. On chante, on crie. Il y a du thermalisme, d’une certaine manière. Et puis, il y a du théâtre. Il y a une fonction thérapeutique au théâtre. Tragédie et comédie. On a des affects. Il faut s’en purifier avec de la tragédie, c'est-à-dire qu’il s’agit de jouer quelque chose qui sera douloureux, donc du crime, de l’inceste, du parricide, tout ce qu’on trouve chez les tragédiens, Eschyle, Sophocle, Euripide.

la catharsis, donc la purification, permet la terreur et la pitié, souligne Aristote. Quand vous avez joué de terreur et de pitié, que vous avez fait de la tragédie l’occasion d’une purification, une catharsis de vous-même, alors vous recouvrez la santé.

Le théâtre, c’est l’occasion de scénographier des corps, mais aussi de décrire des passions, des pulsions. Quand on les aura vécues, sur le mode de la mise à distance, de la scène, on pourra s’en préserver. On pourra s’en dispenser de les vivre au quotidien. C’était vaguement la pensée grecque sur ce sujet.
L’expression « c’est tragique ! » que l’on utilise aujourd’hui vient du théâtre grec.

Qu’est-ce que le tragique ?
C’est ce qui se trouve à égale distance de l’optimisme et du pessimisme. L’optimiste voit le meilleur partout et le pessimiste voit le pire partout. C’est le fameux verre, à moitié plein ou à moitié vide. Cela dépend si c’est de l’huile de ricin ou un château Yquem . Votre verre, à demi rempli, est à demi plein ou à demi vide. On est dans une subjectivité absolue. Le tragique, c’est celui qui n’est, ni optimiste, ni pessimiste, mais voit le réel comme il est. C’est la définition que j’en donnerais. Un grand philosophe d’aujourd’hui, Clément Rosset, aborde cette question du tragique, sans que je défende les mêmes options sur le sujet. Le tragique, c’est celui qui tache de congédier, de conjurer les arrières mondes. C’est celui qui voit la mort, qui voit la douleur, l’entropie, la négativité, la souffrance.

Le philosophe tragique, c’est celui qui dit : «Tout cela est vrai, mais tout cela est faux.».

Le réel est tragique parce qu’il y a de l’inscription dans le temps, parce que nous sommes dans le temps, et que cela suppose, ce qu’en thermodynamique, on appelle de l’entropie, c'est-à-dire de l’usure, à force de fonctionner.
Un fonctionnement induit une usure, puis une disparition. C’est l’entropie.
Cela nous concerne aussi. Nous sommes marqués par l’entropie. Nous vivons, et vivre, c’est un peu mourir chaque jour, tout le temps. Et nous allons vers cette mort-là. Le tragique, c’est celui qui voit cela. Il dit :«Le réel est marqué par l’entropie. Il est marqué par la négativité. Il est marqué par la souffrance. »
Mais il ajoute : «Il n’y a pas que cela. Le monde ne se réduit pas à cela. Il y a d’autres choses aussi, dans le réel.»
Il s’agit de composer avec cela. Le tragique tache de voir le réel en face, et accepte de voir que la mort est là. On ne va quand même pas s’exciter là dessus et passer sa vie sur la mort.



Je pense que Montaigne est un philosophe tragique, il propose une sagesse tragique. Le tragique dit : « Puisque nous allons mourir, il faut l’accepter, ne pas pratiquer le déni, ne pas dire que la mort, n’est pas la mort, ou que la mort est autre chose que la mort. La mort existe. C’est la fin, la disparition, l’abolition de tout ce qui est vivant. Alors, à partir de ce soubassement, il s’agit de fabriquer une philosophie qui nous permettra de vivre en attendant.»

Cette philosophie qui permet de vivre «en attendant» est soit le démonisme ou soit l’hédonisme. Le démonisme permet d’identifier le souverain bien au bonheur alors que l’hédonisme identifie le souverain bien au plaisir.
Plaisir et bonheur ne sont pas exactement la même chose. Cela entretient une parenté. l’hédonisme est un eudémonisme plus violent. L’eudémonisme serait un hédonisme plus doux. Seule une philosophie tragique rend possible l’émergence de l’hédonisme ou de l’eudémonisme.

Ces sagesses sont d’actualité. Bouddha procède comme cela. Quand on l’a confiné dans son espace et qu’il en sort un jour, il découvre de la douleur, de la souffrance, de la misère, de la vieillesse. Il se demande : «C’est cela la vie ? Ce n’est pas possible ! »
Pour vivre avec sagesse dans cette négativité, il va fabriquer la philosophie bouddhique que nous connaissons, c'est-à-dire la libération des désirs, des pulsions, des passions, l’espèce de purification de soi pour se défaire de ce qui est soumis à l’entropie pour pouvoir viser une espèce de réunion du principe lumineux en nous avec la planète entière, qui permet le nirvana, la jouissance de la déprise de soi-même.

Cette philosophie tragique me semble être le contraire de l’optimisme des Chrétiens ou des religions quelles qu’elles soient. Les religieux sont des optimistes. Ils considèrent que qu’il y aurait une écriture de l’Histoire. Ce qu’on appelle la téléologie.
Cela me semble une philosophie à courte vue, tout comme me semblent à courtes vues, les pensées de Cioran, de Schopenhauer ou de quelques autres qui sont dans la négativité pure, et qui considèrent, à la mode gnostique, car Cioran est un gnostique, qu’il y aurait, dans ce réel, rien à attendre, parce que le monde serait la création d’un mauvais démiurge. Il n’y a donc rien à faire dans un univers dominé par le mal.

Ni optimiste, ni pessimiste, ni des gnoses de l’entropies, ni des eschatologies, des philosophies de la fin pour nous conduire vers des paradis supposé, mais une philosophie tragique.

Nietzsche est un tragique. Les stoïciens sont des tragiques. Montaigne est un tragique. Spinoza aussi. Autant d’individus qui nous disent : «Adhérer à la nécessité.»

Extrait d'un cours à l'université populaire de Caen
Ecrit par Raskolnikov, a 13:05 dans la rubrique "Philosophie".
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